[Table des matières]

Sur les sous-algèbres commutatives de Mn (K )1

par Jean Fresnel et Michel Matignon

Univ. Bordeaux, CNRS, Bordeaux INP, IMB, UMR 5251, F-33400, Talence, France
Jean.Fresnel@math.u-bordeaux.fr , Michel.Matignon@math.u-bordeaux.fr

Résumé. Soient K un corps commutatif, Mn(K) la K-algèbre des matrices à n lignes et n colonnes à coefficients dans K. On montre ici que si V est un sous-espace vectoriel de Mn(K) constitué de matrices qui commutent deux à deux, alors la dimension de V est majorée par 1 + α(n), où α(n) est égal à r2 si n = 2r ou r(r + 1) si n = 2r + 1. De plus on peut décrire les sous-espaces vectoriels de dimension 1 + α(n) constitués de matrices qui commutent deux à deux. Cela nous conduit à majorer la dimension des sous-algèbres commutatives de Mn(K) et à décrire des sous-algèbres commutatives qui sont de dimension 1 + α(n). Il s’ensuit une caractérisation des sous-groupes commutatifs maximaux de GLn (K), ainsi que des sous-groupes unipotents maximaux de GLn(K). L’intérêt de cet article est que les démonstrations utilisent seulement les résultats classiques de l’algèbre linéaire.

Abstract. Commutative subalgebras of Mn(K)

Let K be a commutative field, Mn(K) the K-algebra of n×n matrices with coefficients in K. We show that for a subspace V of Mn(K) with elements commuting two by two its dimension is bounded above by 1 + α(n) where α(n) is equal to r2 for n = 2r and to r(r + 1) for n = 2r + 1. We also describe those for which the dimension is 1 + α(n). This leads to an upper bound for the dimension of the commutative subalgebras of Mn (K) and to the description of these for which the dimension is 1 + α(n). Then we deduce a characterization of the maximal commutative subgroups of the linear group GLn(K) and also of its maximal unipotent subgroups. The main interest in this paper is that the proofs use only classical linear algebra.

Mots-clés : matrice, partie commutative, matrice nilpotente, matrice unipotente, algèbre commutative de matrices, groupe commutatif de matrices.

1.Introduction

Dans tout l’article, K désignera un corps commutatif et Mn(K) l’algèbre des matrices carrées à n lignes et n colonnes à coefficients dans K.

Depuis 1905, et peut-être avant, on a étudié les familles de matrices à coefficients dans K constituées d’éléments qui commutent deux à deux.

Si K est le corps des nombres complexes C, Schur a montré en 1905 que le rang de la famille est majoré par 1 + α(n), où α(n) est égal à r2 si n = 2r ou à r(r + 1) si n = 2r + 1. On peut aussi dire que α(n) = (n
2)2xdésigne la partie entière inférieure de x.

Si V est un sous-espace vectoriel de Mn(K) , on dira que V est un sous-espace vectoriel commutatif si les éléments de V commutent deux à deux. Ainsi, Schur a décrit les sous-espaces vectoriels commutatifs de dimension 1 + α(n) lorsque K = C (voir ).

Il faut attendre 1944 pour que Jacobson s’intéresse à ce problème lorsque K est quelconque. Il montre la même chose que Schur ; toutefois, il est en difficulté dans le cas où la caractéristique est 2 ().

Cette difficulté sera levée par Gustafson en 1976 avec des méthodes beaucoup plus élaborées (). On trouvera d’autres preuves ou généralisations dans les articles suivants ([Co1], [Co2], [Cow], [K]).

Les auteurs ont découvert un article de jeunesse de Mirzakhani, paru en 1998, suggérant une démonstration élémentaire du théorème de Schur pour un corps quelconque. Toutefois, dans cette note d’une page, elle ne décrit pas les sous-espaces commutatifs qui sont de dimension 1 + α(n) ().

Ici, nous reprenons l’esprit de sa démonstration qui utilise des techniques de l’algèbre linéaire classique. Ce même esprit nous permet de décrire à conjugaison près les sous-espaces vectoriels qui sont de dimension maximale, sans restriction sur la caractéristique de K.

Un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K) est contenu dans l’espace vectoriel engendré par tous les produits finis d’éléments de la famille, qui est donc une sous-algèbre commutative de Mn (K). Ainsi, les sous-espaces vectoriels commutatifs de Mn(K) qui sont maximaux pour l’inclusion ne sont autres que les sous-algèbres commutatives de Mn(K) qui sont maximales pour l’inclusion.

Voici un exemple simple. Si A ∈Mn(K) est telle que χA(X) = mA(X), c’est-à-dire si le polynôme caractéristique de A est égal à son polynôme minimal, alors on sait que KIn + KA + ... + KAn-1 est une sous-algèbre commutative, maximale pour l’inclusion et sa dimension est n. Cela résulte simplement du fait que les matrices qui commutent avec A sont les polynômes en A (, ex. 4.7.8, p. 192).

On a pensé que ce type de sous-algèbre commutative de Mn(K) donnait la dimension minimale parmi les sous-algèbres commutatives de Mn(K) qui sont maximales pour l’inclusion. En fait, Courter () a donné en 1965 un exemple de sous-algèbre commutative, maximale pour l’inclusion dans M14 (K), qui est de dimension 13.

Ceci laisse à penser que la description des sous-algèbres de Mn(K), commutatives, maximales pour l’inclusion, est loin d’être connue. Pour le lecteur curieux, nous reproduisons l’exemple de Courter à la fin de l’article.

La connaissance des sous-algèbres commutatives maximales de Mn(K) permet de caractériser les sous-groupes commutatifs de GLn(K) qui sont maximaux dans l’ensemble des sous-groupes commutatifs de GLn(K).

Si T n,0 (K) est le sous-espace vectoriel des matrices triangulaires supérieures dont la diagonale est nulle, alors la connaissance des sous-espaces vectoriels commutatifs, maximaux dans Tn,0(K) permet de caractériser les sous-groupes qui sont maximaux dans l’ensemble des sous-groupes commutatifs unipotents de GLn(K).

2.Sur les sous-espaces vectoriels commutatifs de Tn,0(K)

Dans tout ce qui suit, Tn,0(K) désigne le sous-espace vectoriel de Mn(K) constitué des matrices triangulaires supérieures dont la diagonale est nulle.

Définition 1. — Soit S une partie de Mn(K). On dit que S est une partie commutative si, pour tout A, B ∈ S, on a AB = BA. Dans ce qui suit, bien souvent S sera un sous-espace vectoriel de Mn (K); on dira brièvement que S est un sous-espace vectoriel commutatif, si c’est aussi une partie commutative ; on prendra garde que cela ne suppose pas que S est stable par produit.

Proposition 1. — (1) Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec n 2, qui est maximal pour l’inclusion. Alors pour tout A,B ∈ V on a AB ∈ V .
(2) Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K), constitué de nilpotents, qui est maximal pour cette propriété. Alors pour tout A,B ∈ V , on a AB ∈ V .

Démonstration Montrons le point (1). Soit V ʹ le sous-espace vectoriel de Mn(K) engendré par V et par les AB A,B ∈ V . Clairement V ʹ est un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K), ainsi la maximalité de V implique que V = V ʹ ; ce qui montre (1). Le même argument permet de démontrer (2) puisqu’un produit commutatif de deux nilpotents est encore nilpotent. cqfd

Dans ce qui suit Ei,j désigne la matrice telle que Ei,j(k,l) = δi,kδj,l. Enfin Ms,t(K) désigne le K-espace vectoriel des matrices à s lignes et t colonnes.

Théorème 1. — Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec n 2. Alors on a dimKV α(n).

Soient n = 2r 2 et W :=  r
∑
i=1  n
 ∑
j=r+1KEi,j, l’ensemble des matrices [      ]
  0  A
  0  0 appartenant à Tn,0(K) où A ∈Mr(K). Ainsi, l’ensemble W est un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec dimW = α(n) ; de plus, on a AB = 0 si A,B ∈W.

Soient n = 2r + 1 3, W1 :=  r
∑
i=1 n
∑
j=r+1KEi,j, i.e. W1 est l’ensemble des matrices [0A]
00∈ Tn,0(K) où A ∈Mr,r+1(K). Ainsi W1 est un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec dimW1 = α(n).

Soit W2 := r+1∑

i=1n∑

j=r+2KEi,j, formé des matrices [ 0  A  ]
  0  0∈ Tn,0(K) où A ∈Mr+1,r(K). Ainsi W2 est un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec dimW2 = α(n).

Alors W1 et W2 sont deux sous-espaces vectoriels commutatifs de Tn,0(K) vérifiant dimWi = α(n) pour i = 1,2 ; de plus, on a AB = 0 si A,B ∈Wi pour i = 1,2.

Démonstration C’est essentiellement celle de . Le théorème est immédiat pour T2,0(K), on le suppose vrai pour Tn-1,0(K) avec n 3 ; il s’agit de montrer que le théorème est satisfait pour Tn,0(K).

Soient

∑                             ∑
W:=    KEi,j ⊂ Tn,0(K )etW ʹ :=        KEi,j ⊂ Tn,0(K ).
2≤i<j≤n                       1≤i<j≤n-1
Clairement, il existe f : W Tn-1,0(K) (resp. fʹ : Wʹ→ Tn-1,0(K)) un isomorphisme de K-espaces vectoriels tel que f(AB) = f(A)f(B) pour tout A,B ∈ W (resp. tel que fʹ(AB) = fʹ(A)fʹ(B) pour tout A,B ∈ Wʹ).

Soit t : T n,0 (K) W , tʹ : Tn,0(K) Wʹ définis comme il suit. Si A = [ai,j] ∈ Tn,0(K), alors

        ∑            ʹ        ∑
t(A) :=        ai,jEi,j, t (A ) :=       ai,jEi,j.
      2≤i<j≤n               1≤i<j≤n-1
Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) ; facilement t(V ) (resp. tʹ(V )) est un sous-espace vectoriel commutatif de W (resp. Wʹ).

Alors V 1 := V (∑n

j=2KE1,j) (resp. V 2 := V (n∑-1

i=1KEi,n)) est le noyau de la restriction à V de t (resp. tʹ). Il suit de cela que

                                ʹ
dimV = dim t(V )+ dim V1, dim V = dimt (V )+ dim V2.          (1)
Comme W T n,0(K) (resp. Wʹ⊂ Tn,0(K)) s’identifie à Tn-1,0(K) via f (resp. fʹ), il suit de l’hypothèse de récurrence que
dim t(V ) ≤ α(n- 1), dim tʹ(V) ≤ α(n- 1).              (2)
Ainsi,
dimt(V)=α(n - 1)- ϵ, dim tʹ(V ) = α(n - 1) - ϵʹ avecϵ ≥ 0, ϵʹ ≥ 0. (3)

Soient θ1 ∈ V 1 , θ2 ∈ V 2, montrons que θ1θ2 = 0. On a

θ1=0×E1,1+a2E1,2+ ⋅⋅⋅+anE1,n etθ2 = b1E1,n+b2E2,n+ ⋅⋅⋅+bn-1En -1,n+0 ×En,n.

Compte tenu des relations Ei,jEk,l = 0 si jk et Ei,jEj,l = Ei,l, on a facilement θ2θ1 = 0. Comme θ1 , θ2 ∈ V , on a θ1θ2 = θ2θ1 = 0.

Or θ1 θ2 = (0 × b1 + a2b2 + ⋅⋅⋅ + an-1bn-1 + an × 0)E1,n, ainsi

0× b1 + a2b2 + ⋅⋅⋅+ an- 1bn-1 + an × 0 = 0.            (4)
Alors la dualité ( théorème 4.2, p. 16) dit que n dimV 1 + dimV 2 et donc
dimV  + dim V  = n- ν, ν ≥ 0.                    (5)
     1      2

Compte tenu des relations (1), (3), (5), on a

                           ʹ
2dim V = 2α(n- 1)+ n - (ϵ + ϵ+ ν).                  (6)
Il suit de (6) que si n = 2r
              ϵ+ ϵʹ + ν
dim V = α(n)- ---2----,                       (7)
et que si n = 2r + 1, on a
dim V = α(n)+ 1 - ϵ+-ϵʹ +-ν.                    (8)
              2      2
Ainsi (7) et (8) montrent bien que dimV α(n). Le reste de l’énoncé est clair. cqfd

Corollaire 1. — Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K) avec n 2, constitué de nilpotents. Alors dimV α(n).

Démonstration Il suit de la proposition 4 de l’appendice qu’il existe P ∈ GLn(K) tel que PV P-1 T n,0 (K). Alors le corollaire est conséquence immédiate du théorème 1. cqfd

Théorème 2. — Soient n 2, α(n), W, W1, W2, définis dans l’énoncé du théorème 1.

Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K) avec dimV = α(n).

(1) Si n = 2r 2, alors V = W.

(2) Si n = 2r + 1 5, alors V = W1 ou V = W2.

(3) Si n = 3 alors les sous-espaces vectoriels commutatifs, de dimension α(3) = 2 de T3,0(K) sont

⌊00 1 ⌋    ⌊  0  1 0 ⌋      ⌊ 0  0  1 ⌋    ⌊  0 0  0 ⌋
K⌈00 0 ⌉ ⊕K ⌈  0  0 0 ⌉ ou K ⌈ 0  0  0 ⌉⊕ K ⌈  0 0  1 ⌉
00 0         0  0 0          0  0  0         0 0  0
     ⌊         ⌋    ⌊         ⌋
       0  0  1         0 1  0
ou K ⌈ 0  0  0 ⌉⊕ K ⌈  0 0  x ⌉ ,
       0  0  0         0 0  0
avec x 0.

Démonstration (1)  Si n = 2r et dimV = α(n), il suit de (7) que ε = εʹ = 0 ; il en résulte que dimt(V ) = dim tʹ(V ) = α(n - 1).

Si n = 2r + 1 et dimV = α(n), il suit de (8) que ε = 0 ou εʹ = 0 ; par conséquent, dimt(V ) = α(n - 1) si ε = 0 et dimtʹ(V ) = α(n - 1) si εʹ = 0.

Nous montrons à présent le théorème par récurrence sur n, en l’initialisant à n = 2, 3 et 4.

(2) Montrons le théorème pour n = 2,3. Pour n = 2, il est clair que V = T2,0(K).

On suppose maintenant que n = 3. Comme dimV = 2, il existe A = ⌊         ⌋
⌈ 0  u  v ⌉
  0  0  w
  0  0  0∈ V avec (u, w) (0, 0). On a A20 si et seulement si uw0.

Supposons d’abord uw0. Dans ce cas, on a χA(X) = mA(X) = X3. Par conséquent, KA + KA2 = KAKA2 est un sous-espace vectoriel commutatif de T3,0(K) de dimension 2. D’autre part si (A,B) est une base de V , sachant que V est commutatif, il suit de (, ex. 4.7.8, p. 192) que B ∈ KA KA2, ainsi V = KA KA2. Facilement

           ⌊         ⌋    ⌊         ⌋
      2    ⌈ 0  0  1 ⌉    ⌈  0  1  0⌉
KA⊕ KA   = K   0  0  0   ⊕K    0  0 x    avecx ⁄= 0.
             0  0  0         0  0  0

Supposons que u0 et w = 0, on montre facilement que le commutant de A dans T3,0(K) est

  ⌊         ⌋     ⌊         ⌋
  ⌈  0  0 1 ⌉     ⌈ 0  1  0 ⌉
K    0  0 0   ⊕ K   0  0  0  ,
     0  0 0         0  0  0
ce qui montre que V est égal à ce dernier espace.

De même, si u = 0 et si w0, on a V = K⌊         ⌋
  0  0  1
⌈ 0  0  0 ⌉
  0  0  0K⌊         ⌋
   0  0 0
⌈  0  0 1 ⌉
   0  0 0.

(3) Montrons le théorème pour n = 4.

On a donc dim V = 4, il suit de 1. que dimt(V ) = 2, dimV 1 = 2 et aussi dimtʹ(V ) = 2, dimV 2 = 2. Il suit de 2. que les sous-espaces vectoriels commutatifs, de dimension 2 de T3,0(K) sont

⌊00 1 ⌋    ⌊  0  1 0 ⌋      ⌊ 0  0  1 ⌋    ⌊  0 0  0 ⌋
K⌈00 0 ⌉ ⊕K ⌈  0  0 0 ⌉ ou K ⌈ 0  0  0 ⌉⊕ K ⌈  0 0  1 ⌉
00 0         0  0 0          0  0  0         0 0  0
     ⌊         ⌋    ⌊         ⌋
     ⌈ 0  0  1 ⌉    ⌈  0 1  0 ⌉
ou K   0  0  0  ⊕ K    0 0  x   ,
       0  0  0         0 0  0
avec x 0.

(a) Il s’agit de montrer que t(V ) ne peut être le troisième cas. Supposons le contraire, i.e. t(V ) = K⌊    ⌋
⌈00  1 ⌉
00  0
00  0K⌊         ⌋
⌈  0 1  0 ⌉
   0 0  x
   0 0  0 avec x0.

Il existe donc A, B ∈ V avec

    ⌊ 0  a  b  c ⌋       ⌊ 0  aʹ bʹ cʹ ⌋
    | 0  0  1  0 |       | 0  0  0  1  |
A = |⌈ 0  0  0 x  |⌉ etB =  |⌈ 0  0  0  0  |⌉.
      0  0  0  0           0  0  0  0

Montrons d’abord que V 1 = KD KE, avec

     ⌊           ⌋       ⌊            ⌋
       0  0 1  0           0  0  0  1
     || 0  0 0  0 ||       || 0  0  0  0 ||
D  = ⌈ 0  0 0  0 ⌉ etE = ⌈ 0  0  0  0 ⌉.
       0  0 0  0           0  0  0  0

Soit C = ⌊0u v  w  ⌋
|00 0   0 |
|⌈00 0   0 |⌉
00 0   0∈ V 1. De la relation CB = BC = 0, on déduit facilement que u = 0, ainsi V 1 KD KE et pour des raisons de dimension, on a bien V 1 = KD KE.

Enfin de la relation DA = AD = 0, on déduit que x = 0, ce qui contredit x0.

Par une méthode analogue on peut montrer que

        ⌊         ⌋    ⌊         ⌋
ʹ       ⌈ 0  0  1 ⌉    ⌈  0 1  0 ⌉
t(V ) ⁄= K  0  0  0  ⊕ K    0 0  x   , avecx ⁄= 0.
          0  0  0         0 0  0

(b) Supposons que t(V ) = K⌊        ⌋
  0  0 1
⌈ 0  0 0 ⌉
  0  0 0K⌊         ⌋
  0  1  0
⌈ 0  0  0 ⌉
  0  0  0, il s’agit de montrer que V = KE1,3 KE1,4 KE2,3 KE2,4. Montrons d’abord que V 1 = KE1,3 KE1,4.

Soit U = uE1,2 + vE1,3 + wE1,4 ∈ V 1 et R = uʹE1,2 + vʹE1,3 + wʹE1,4 + E2,3 ∈ V tel que t(R) = E2,3 . Il suit de la relation UR = RU = 0 que u = 0 ; ainsi donc

V1 = KE1,3 ⊕ KE1,4.
Il suit de cela qu’il existe Z,T ∈ V tels que t(Z) = E2,3, t(T) = E2,4, lorsque l’on pose Z = uʹ E1,2 + E2,3, T = uʹʹE1,2 + E2,4. Alors il suit de ZT = TZ que uʹ = 0 et uʹʹ = 0.

Cela montre bien que V = KE1,3 KE1,4 KE2,3 KE2,4.

(c) Il reste à montrer que t(V ) = KE1,4 KE2,4 est impossible.

Soit A = uE1,2 + vE1,3 + wE1,4 ∈ V 1, B = uʹE1,2 + vʹE1,3 + wʹE1,4 + E2,4 ∈ V , C = uʹʹ E1,2 + vʹʹE1,3 + wʹʹE1,4 + E3,4 ∈ V , tels que t(B) = E2,4, t(C) = E3,4.

Il suit de AB = BA = 0 que u = 0, de AC = CA = 0 que v = 0. Ainsi V 1 KE1,4, ce qui est impossible puisque dimV 1 = 2.

(4) On suppose que n 5 et que le théorème est satisfait pour n - 1.

(a) On suppose que n = 2r + 1 5. Il suit du premier alinéa que dimt(V ) = α(n - 1) ou que dimtʹ(V ) = α(n - 1).

On suppose que dimt(V ) = α(n - 1), alors on a

dim V1 = α(n)- α(n- 1) = r.
Par hypothèse de récurrence sur n, on a donc
       r+1  n
t(V) = ∑   ∑   KE  .
       i=2 j=r+2    i,j
Soit donc 2 i r + 1, r + 2 j n, on a donc
A := a2E1,2 + a3E1,3 + ⋅⋅⋅+ anE1,n + Ei,j ∈ V
avec t(A) = Ei,j . Soit B = b2E1,2 + b3E1,3 + ⋅⋅⋅ + bnE1,n ∈ V 1. Facilement, on obtient BA = bi E1,j ,  AB = 0. Ainsi bi = 0 pour 2 i r + 1. Il en suit que V 1 =  ∑n

j=r+2KE1,j.

Soit r + 2 j < jʹn (on a r 2). Il suit de ce qui précède qu’il existe S,T ∈ V avec t(S) = Ei,j ,  t(T) = Ei,jʹ avec S = s2E1,2 + s3E1,3 + ⋅⋅⋅ + sr+1E1,r+1 + Ei,j et T = t2 E1,2 + t3 E1,3 + ⋅⋅⋅ + tr+1E1,r+1 + Ei,jʹ.

Facilement, on a ST = siE1,jʹ, TS = tiE1,j. Comme ST = TS, il suit que si = 0, ti = 0 pour 2 i r + 1. Ainsi Ei,j ∈ V pour 1 i r + 1, r + 2 j n. En conclusion, on a V r+1
∑
i=1n
∑
j=r+2KEi,j et pour des raisons de dimension, on a bien V = W2.

Sous l’hypothèse dimtʹ(V ) = α(n - 1), on aurait par une démonstration analogue V = W1 .

(b) On suppose que n = 2r 5. On a donc dimV = α(n) = r2, il suit du premier alinéa que dimt(V ) = α(n - 1) = r2 - r et donc dimV 1 = r. Il suit alors de l’hypothèse de récurrence que t(V ) = r∑

i=2∑n

j=r+1KEi,j ou t(V ) = r∑+1

i=2∑n

j=r+2KEi,j. Il s’agit d’exclure ce dernier cas.

Supposons que t(V ) = r+∑1

i=2 ∑n

j=r+2KEi,j. Soit A := a2E1,2 + a3E1,3 + ⋅⋅⋅ + anE1,n ∈ V 1. Soit B = b2 E1,2 + b3 E1,3 + ⋅⋅⋅ + bnE1,n + Ei,j ∈ V et t(B) = Ei,j2 i r + 1 et r + 2 j n. Facilement AB = aiE1,j, BA = 0 et comme AB = BA on a donc ai = 0 pour 2 i r + 1. Ce qui veut dire que V 1   n
 ∑
j=r+2KE1,j et c’est impossible pour des raisons de dimension. Ainsi

        r  n
t(V) = ∑   ∑   KEi,j.
       i=2 j=r+1

Par une méthode analogue à (4)(a), on peut montrer que V 1  ∑n

j=r+1KE1,j, et donc que V 1 = n∑

j=r+1KE1,j.

Soient 2 i r,  r + 1 j n, il reste à montrer que Ei,j ∈ V . Soient r + 1 j < jʹn (2r 5). Il suit de ce qui précède qu’il existe S,T ∈ V avec t(S) = Ei,j, t(T) = Ei,jʹ et S = s2 E1,2 + s3 E1,3 + ⋅⋅⋅ + srE1,r + Ei,j, T = t2E1,2 + t3E1,3 + ⋅⋅⋅ + trE1,r + Ei,jʹ.

Facilement ST = siE1,jʹ, TS = tiE1,j ; comme ST = TS, on a si = 0, ti = 0 pour 2 i r. Ainsi Ei,j ∈ V pour 2 i r + 1 et r + 2 j n. Ce qui montre que l’égalité V = W. cqfd

Corollaire 2. — Soit V un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K) avec n 2, constitué de nilpotents avec dimV = α(n). Alors il existe P ∈ GLn(K) avec les propriétés suivantes.

(1) Si n = 2r 2, alors PV P-1 = W.

(2) Si n = 2r + 1 5, alors PV P-1 = W1 ou PV P-1 = W2.

(3) Si n = 3, alors

⌊       ⌋     ⌊         ⌋     ⌊         ⌋     ⌊         ⌋
 0  0 1         0  1  0          0 0  1         0  0  0
PVP-1=K⌈0  0 0 ⌉ ⊕ K ⌈ 0  0  0 ⌉ ouK ⌈  0 0  0 ⌉ ⊕ K ⌈ 0  0  1 ⌉
 0  0 0         0  0  0          0 0  0         0  0  0
     ⌊         ⌋    ⌊         ⌋
     ⌈ 0  0  1 ⌉    ⌈  0 1  0 ⌉
ou K   0  0  0  ⊕ K    0 0  x   ,
       0  0  0         0 0  0
avec x 0.

Démonstration Il suit de la proposition 4 de l’appendice qu’il existe P ∈ GLn(K) tel que PV P-1 T n,0 (K). Alors le corollaire est conséquence immédiate du théorème 2. cqfd

3.Sur les sous-algèbres commutatives de Mn (K)

Proposition 2. — Soit S une partie de Mn(K) avec n 1. Les propriétés suivantes sont équivalentes.

(i) La partie S est un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K) qui est maximal pour l’inclusion ;

(ii) la partie S est une sous-algèbre commutative de Mn(K) qui est maximale pour l’inclusion.

Démonstration Montrons (i) implique (ii). Soit Sʹ le sous-espace vectoriel de Mn(K) engendré par S, In et par les AB A,B ∈S. Clairement Sʹ est un sous-espace vectoriel commutatif, ainsi la maximalité de S implique que S = Sʹ. Cela montre que S est une sous-algèbre unitaire de Mn(K) . Il reste à montrer que S est maximale comme sous-algèbre commutative. En effet s’il existe une sous-algèbre commutative Sʹʹ avec SSʹʹ, comme Sʹʹ est en particulier un sous-espace vectoriel commutatif, la maximalité de S implique S = Sʹʹ, ainsi S est une sous-algèbre commutative, maximale.

Montrons (ii) implique (i). Soit Sʹ un sous-espace vectoriel, commutatif de Mn(K) avec SS ʹ et Sʹʹ la sous-algèbre unitaire de Mn(K) engendrée par Sʹ, clairement Sʹʹ est une sous-algèbre commutative. La maximalité de S implique S = Sʹʹ et donc S = Sʹ ; ce qui veut dire que S est un sous-espace vectoriel commutatif maximal pour l’inclusion. cqfd

Lemme 1. — Soient n1,n2,,ns des entiers tels que 1 n1 n2 ⋅⋅⋅ns et posons n := n1 + n2 + ⋅⋅⋅ + ns, s 1. Alors on a

(1+ α (n1))+ (1+ α(n2))+ ⋅⋅⋅+(1 +α (ns)) ≤ 1 + α(n).

De plus si s 2, on a

(1+ α (n1))+ (1+ α(n2))+ ⋅⋅⋅+(1 +α (ns)) < 1 + α(n),

sauf si s = 2, n1 = 1, n2 = 2 auquel cas on a (1 + α(1)) + (1 + α(2)) = 1 + α(3).

Démonstration Elle se fait sans difficulté par récurrence sur s. cqfd

Théorème 3. — Soit S un sous-espace vectoriel commutatif de Mn(K) avec n 4. Alors on a

dim  S ≤ 1+ α(n).
   K

Démonstration Soient Kalg la clôture algébrique de K, Salg le sous-Kalg-espace vectoriel de Mn (Kalg ) engendré par S ; bien entendu Salg est commutatif et

        alg
dimKalg S   = dimK  S

Notons T := Salg ; il suit de la partie matricielle de la proposition 4 de l’appendice qu’il existe P ∈ GLn (Kalg ) tel que PT P-1 s’injecte dans le produit T1 ×T2 × ... ×TsTi est un sous-espace vectoriel de Mni(Kalg) de la forme KalgIni si ni = 1 et KalgIni + NiNi T ni ,0 (Kalg) si ni 2 ; de plus on a 1 n1 n2 ... ns, n = n1 + n2 + ... + ns, s 1 et Ni est un sous-espace vectoriel commutatif de Tni,0(Kalg). Il suit donc du théorème 1 que dimKalgTi 1 + α(ni). Ainsi le théorème est conséquence du lemme 1. cqfd

Théorème 4. — Soit S une sous-algèbre commutative, unitaire de Mn(K) avec n 4 et dimKS = 1 + α(n). Alors il existe P ∈ GLn(K) avec PSP-1 = KIn W si n est pair et PSP-1 = KIn W1 ou PSP-1 = KIn W2 si n est impair ; W, W1, W2 sont définis au théorème 1.

En particulier S est une algèbre locale dont l’idéal maximal M est tel que si A,B ∈M, alors on a AB = 0 et de plus S = KIn M.

Démonstration

On reprend la démonstration du théorème 3.

Notons T := Salg, il suit de la partie matricielle de la proposition 4 de l’appendice qu’il existe P ∈ GL n (Kalg ) tel que PT P-1 s’injecte dans le produit T1 ×T2 × ... ×TsTi est un sous-espace vectoriel de Mni(Kalg) de la forme KalgIni si ni = 1 et KalgIni + NiNi T ni ,0 (Kalg) si ni 2 ; de plus on a 1 n1 n2 ... ns, n = n1 + n2 + ⋅⋅⋅ + ns, s 1 et Ni est un sous-espace vectoriel commutatif de Tni,0(Kalg). Il suit donc du théorème 1 que dim Kalg T i 1 + α(ni). On a donc

dim(T)≤dim(T1 × T2 × ⋅⋅⋅× Ts) ≤ (1 + α(n1)+ (1 + α(n2)) +⋅⋅⋅+ (1+ α(ns));
sachant que n 4, il suit du lemme 1 que s 2 est impossible. Cela veut dire que PSalg P-1 KalgIn N N Tn,0(Kalg) et où N est un sous-espace vectoriel commutatif de T n,0 (Kalg ) de dimension α(n).

Il suit alors du théorème 2 que, si n est pair, on a

                               r   n
PSalgP-1 = KalgI ⊕ Walg avec Walg := ∑   ∑   KalgE  ,         (9)
           n                  i=1j=r+1      i,j

et que, si n est impair, on a

PSalgP- 1 = KalgIn ⊕ Walg ou P SalgP -1 = KalgIn ⊕ Walg     (10)
                1                          2
Walg1 := r∑

i=1∑n

j=r+1KalgEi,j, Wa2lg := r∑+1

i=1 ∑n

j=r+2KalgEi,j.

On souhaite montrer qu’il existe Q ∈ GLn(K) tel que QSQ-1 = KIn W si n est pair et QSQ-1 = KIn W1 ou QSQ-1 = KIn W2 si n est impair.

Il suit de (9) et (10) que Salg = KalgIn M M est un idéal maximal de Salg tel que si A, B ∈ M, alors on a AB = 0 ; en particulier M est constitué de nilpotents. Ainsi les inversibles de Salg sont les éléments de la forme λIn + N avec λ ∈ Kalg -{0} et N ∈M ; et donc M est l’ensemble des non-inversibles de Salg.

Soit A ∈ S qui est inversible de S, donc inversible de Salg, ce qui veut dire que A = λIn + N avec λ ∈ Kalg - {0} et N ∈M et donc N est nilpotent. Il suit de cela que le polynôme caractéristique de A est de la forme χA(X) = (X - λ)n ∈ K[X], avec λ ∈ Kalg.

Montrons que λ ∈ K et pour cela que S contient un élément non-inversible qui n’est pas nul.

Soit V := n∑

i=2n∑

j=1KEi,j, on a donc dimV = n(n - 1) et tout élément de V est non-inversible. Comme dim K S = 1 + α(n), il suit que pour n 4, on a dimV + dimS > n2, cela veut dire qu’il existe C ∈ S non-inversible de Mn(K) et C0 ; il suit pour des raisons de déterminant que C est un élément non-inversible de Mn(Kalg), ainsi C ∈M. Sachant que A - λIn ∈M et C ∈ M, on a (A - λIn)C = 0 ; il suit de cela que λ ∈ K. En effet si λ⁄∈K, alors la famille (1, λ) est K-libre, il suit de cela que si U,V ∈Mn(K) et si U + λV = 0, alors U = V = 0; ainsi la relation AC - λC = 0 implique en particulier que C = 0, ce qui est une contradiction.

Il suit du paragraphe précédent que, si A ∈S, il existe λA ∈ K avec χA(X) = (X -λA)n. Alors la proposition 4 de l’appendice, version matricielle dit qu’il existe Q ∈ GLn(K) tel que QSQ-1 = KIn N N est un sous-espace vectoriel commutatif de Tn,0(K). Sachant que dimS = 1 + α(n) et que dimN α(n), on a donc dimN = α(n) et alors N est décrit par le théorème 2. Ce qui achève la démonstration. cqfd

Remarque. — Les cas n = 2, n = 3.

(1) Soit S une sous-algèbre commutative de M2(K) avec dimS = 1 + α(2) = 2. Alors il existe P ∈ GL 2 (K) avec PSP-1 = KI2 KB et B = [     ]
  0  b
  1 a.

Pour montrer cela, il suffit de remarquer que S, qui est de dimension 2, contient une matrice dont le polynôme minimal est de degré 2.

(2) Soit S une sous-algèbre commutative de M3(K) avec dimS = 1 + α(3) = 3.

Alors il existe P ∈ GL3(K) avec

                                 ⌊         ⌋
                                   0  0  c
PSP - 1 = KI3 ⊕ KB ⊕KB2  avecB = ⌈ 1  0  b ⌉
                                   0  1  a
-1                            -1
ouPSP= KI3 ⊕ KE1,2 ⊕ KE1,3 ou PSP   = KI3 ⊕KE1,3 ⊕ KE2,3.

Si K = F 2 , il faut ajouter PSP-1 = KE1,1 KE2,2 KE3,3.

Le premier cas correspond au fait que S qui est de dimension 3 contient une matrice dont le polynôme minimal est de degré 3.

Les autres cas correspondent au fait que toutes les matrices de S ont un polynôme minimal qui est de degré au plus 2.

On rappelle que f : Mn(K) Mn(K) est un automorphisme intérieur lorsqu’il existe A ∈ GLn (K) telle que, pour tout X ∈Mn(K), f(X) = AXA-1. Alors, il n’existe pas d’automorphisme intérieur f de M3(K) avec

f(KI3 ⊕ KB  ⊕ KB2 ) = KI3 ⊕ KE1,2 ⊕ KE1,3
(resp. f(KI3 ⊕KB ⊕ KB2 ) = KI3 ⊕ KE1,3 ⊕ KE2,3,
             2
f(KI3 ⊕KB  ⊕ KB  ) = KE1,1 ⊕ KE2,2 ⊕ KE3,3 siK = F2).

Il suffit pour cela de considérer le degré des polynômes minimaux.

Par ailleurs, il n’existe pas d’automorphisme intérieur f de M3(K) avec

f(KI3 ⊕ KE1,2 ⊕ KE1,3) = KI3 ⊕ KE1,3 ⊕ KE2,3 ;
cela demande une vérification laissée au lecteur.

De même si K = F2, il n’existe pas d’automorphisme intérieur f de M3(K) avec

f(KI3 ⊕ KE1,2 ⊕ KE1,3) = KE1,1 ⊕ KE2,2 ⊕KE3,3 ;
en effet KI3 KE1,2 KE1,3 contient des éléments non diagonalisables, alors que tout élément de KE1,1 KE2,2 KE3,3 est diagonal. De la même façon, il n’existe pas d’automorphisme intérieur f de M3(K) avec f(KI3 KE1,3 KE2,3) = KE1,1 KE2,2 KE3,3.

4. Sur les sous-groupes commutatifs de GLn(K)

Si G est un sous-groupe commutatif de GLn(K), la sous-K-algèbre K[G] de Mn(K) engendrée par G est commutative et on a GK[G]×, où K[G]× désigne le groupe des inversibles de K[G]. En particulier si G est un sous-groupe commutatif de GLn(K), maximal pour l’inclusion, alors on a G = K[G]× . Il suit de cela que les sous-groupes commutatifs maximaux de GLn(K) sont les groupes des inversibles des sous-algèbres commutatives de Mn(K) qui sont maximales pour l’inclusion.

Corollaire 3. — Soit G un sous-groupe commutatif, maximal de GLn(K) ; on dispose alors de l’inégalité dim K[G] 1 + α(n).

Soit n 4 et G un sous-groupe commutatif et maximal dans GLn(K). On suppose que dimK[G] = 1 + α(n). Alors il existe P ∈ GLn(K) avec PGP-1 = K×In W si n est pair et PGP-1 = K× In W1 ou PGP-1 = K×In W2 si n est impair ; les espaces W, W1, W2 sont définis au théorème 1.

Démonstration C’est une conséquence immédiate des théorèmes 3 et 4, et du fait que (KIn W)× = K×In W et aussi (KIn Wi)× = K×In Wi pour i = 1,2. cqfd

Définition 2. — Soit G GLn(K) un groupe commutatif constitué d’éléments unipotents, i.e. G = In + N où N est constitué de nilpotents, on dira que G est un sous-groupe commutatif unipotent de GLn(K). On appelle dimension de G, la dimension du sous-espace vectoriel engendré par N et on la note dimG; on remarquera bien que si KF2, G n’est pas un sous-groupe commutatif, maximal de GLn(K).

Proposition 3. — Soit G = In + N un sous-groupe commutatif, unipotent de GLn(K). Les propriétés suivantes sont équivalentes.

(i) Le groupe G est un sous-groupe de GLn(K) qui est maximal dans la famille des sous-groupes commutatifs, unipotents de GLn(K) ;

(ii) l’ensemble N est un sous-espace vectoriel qui est maximal dans l’ensemble des sous-espaces vectoriels de Mn (K) qui sont commutatifs et constitués de nilpotents.

Démonstration Montrons que (i) implique (ii). On a G = In + N . Ensuite N est une partie commutative, en effet si A = In + N et Aʹ = In + Nʹ, alors AAʹ = AʹA implique facilement que NNʹ = Nʹ N ; en conséquence le sous-espace vectoriel de Mn(K) engendré par N est commutatif, facilement N est une partie commutative, constituée de nilpotents. Alors il existe un sous-espace vectoriel NʹN qui est maximal dans l’ensemble des sous-espaces vectoriels de Mn (K) qui sont commutatifs et constitués de nilpotents. Il suit de la proposition 1, partie 2, que pour tout A,B ∈ V , on a AB ∈ V ; cela implique que In + Nʹ est un sous-groupe commutatif, unipotent. Comme G est maximal, on a N = Nʹ, ce qui montre (ii).

Montrons que (ii) implique (i). Comme N est un sous-espace vectoriel qui est maximal dans l’ensemble des sous-espaces vectoriels de Mn(K) qui sont commutatifs et constitués de nilpotents, il suit de la proposition 1, partie 2, que pour tout A,B ∈N , on a AB ∈N ; ainsi G = In + N est un sous-groupe commutatif, unipotent de GLn(K) et comme N est maximal, il suit que G est maximal. cqfd

Corollaire 4. — Soit G un sous-groupe commutatif de GLn(K), constitué d’éléments unipotents, i.e. d’éléments de la forme In + N où N est nilpotent. Alors on a dimGα(n).

Soit n 4 et G un sous-groupe de GLn(K) qui est maximal dans l’ensemble des sous-groupes commutatifs, unipotents de GLn(K), avec dimG = α(n).

Alors il existe P ∈ GLn(K) avec PGP-1 = In + W si n est pair et PGP-1 = In + W1 ou PGP-1 = In + W2 si n est impair ; W, W1, W2 sont définis au théorème 1.

Démonstration Pour la première partie, on a donc G = In + N , ensuite N est une partie commutative, en effet si A = In + N et Aʹ = In + Nʹ, alors AAʹ = AʹA implique facilement que NNʹ = Nʹ N ; en conséquence le sous-espace vectoriel de Mn(K) engendré par N est commutatif, le reste est conséquence du corollaire 1.

Pour la seconde partie, comme G = In + N est maximal, il suit de la proposition 2 que N est un sous-espace vectoriel commutatif, constitué d’éléments nilpotents et de dimension α(n) puisque dimG = α(n). Sachant que pour tout N ∈N , on a χN(X) = Xn, il suit de la proposition 4 de l’appendice qu’il existe P ∈ GLn(K) avec PNP-1 Tn,0(K). Le reste est conséquence du théorème 2. cqfd

5.Appendice

Proposition 4. — Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie, dimE = n 1, S une famille commutative d’endomorphismes de E, i.e. pour tout u,v ∈S, on a uv = vu. On suppose en plus que pour tout u ∈S, le polynôme caractéristique χu(X) se factorise en polynômes de degré 1 de K[X]. Alors E admet une décomposition E = E1 E2 ⋅⋅⋅Es avec les propriétés qui suivent.

(1) Les Ei sont des sous-espaces vectoriels avec dimEi = ni 1.

(2) On a u(Ei ) Ei pour tout u ∈S. On note ui l’endomorphisme de Ei induit par u, alors χui (X) = (X - λ(ui))ni où λ(ui) ∈ K.

(3) Il existe une base Bi de Ei telle que Mat(ui,Bi) = λ(ui)Ini + Ni où Ni est une matrice triangulaire supérieure de diagonale nulle.

(4) Soit Si := {ui  ; u ∈S}, alors Si est une famille commutative. Si S est en plus, un sous-espace vectoriel de End E (resp. une sous-algèbre de EndE, un sous-groupe de GL(E), un sous-groupe unipotent de GL (E)), alors Si est en plus, un sous-espace vectoriel de EndEi (resp. une sous-algèbre de EndEi, un sous-groupe de GL(Ei), un sous-groupe unipotent de GL(Ei )).

La version matricielle de la proposition est la suivante

Soit S une famille commutative de matrices de Mn(K), i.e. pour tout U,V ∈S, on a UV = V U. On suppose en plus que pour tout U ∈S, le polynôme caractéristique χU(X) se factorise en polynômes de degré 1 de K[X]. Alors il existe P ∈ GLn(K) avec les propriétés qui suivent.

(1) Pour tout U ∈S, l’élément PUP-1 est un tableau diagonal de matrices (U1,U2,,Us) avec Ui ∈ Mni (K), 1 n1 n2 ⋅⋅⋅ns et n = n1 + n2 + ⋅⋅⋅ + ns.

(2) On a χUi (X) = (X -λ(Ui))ni où λ(Ui) ∈ K et Ui = λ(Ui)In i + Ni où Ni est une matrice triangulaire supérieure de diagonale nulle.

(3) Soit Si := {Ui ; U ∈S}, alors Si est une famille commutative de Mni(K). Si S est en plus, un sous-espace vectoriel de Mn(K) (resp. une sous-algèbre de Mn(K), un sous-groupe de GLn(K), un sous-groupe unipotent de GLn(K)), alors Si est en plus, un sous-espace vectoriel de Mni (K) (resp. une sous-algèbre de Mni(K), un sous-groupe de GLni(K), un sous-groupe unipotent de GL ni(K)).

(4) Dans le cas particulier où pour tout A ∈S, le polynôme caractéristique de A est de la forme χA (X) = (X - λ(A))n avec λ(A) ∈ K, alors il existe P ∈ GLn(K) tel que PSP-1 KIn N où N T n,0 (K).

Démonstration 

On suppose que pour tout u ∈S on a χu(X) = (X - λ(u))n avec λ(u) ∈ K. Alors on a u = λ(u)IdE + nunu est nilpotent. Sachant que nu (resp. nv) est un polynôme en u (resp. v), alors pour tout u, v ∈S on a nunv = nvnu. On sait alors qu’il existe une base (e1,e2,,en) de E dans laquelle la matrice de tous les nu est triangulaire supérieure avec une diagonale nulle ( ex. 5.7.15 p. 237). Dans ce cas, la proposition est démontrée.

On suppose qu’il existe u ∈S avec χu(X) = (X -λ1)n1(X -λ2)n2⋅⋅⋅(X -λr)nr, où λi ∈ K, λi λj si i = j, r 2 et ni 1 pour i ∈{1,,r}. Introduisons F1 := Ker(u - λ1IdE)n1 ainsi que F2 = Ker (u - λ2IdE)n2 ... Ker(u - λrIdE)nr. Alors, on a E = F1 F2 et 1 dim Fi < n.

Il suit de la commutativité que pour tout v ∈S, on a v(F1) F1 et v(F2) F2. Soit vi l’endomorphisme de Fi induit par v et Si := {vi | v ∈S}. Facilement Si satisfait les hypothèses du théorème pour Fi.

Par récurrence sur la dimension, on a une décomposition F1 = E1 E2 ⋅⋅⋅Et qui satisfait aux conclusions du théorème pour S1 ; de même, on a une décomposition

F2 = Et+1 ⊕ Et+2 ⊕⋅⋅⋅⊕ Es
qui satisfait aux conclusions du théorème pour S2. Il suit facilement que la décomposition E = E1 E2 ⋅⋅⋅Es satisfait aux conclusions du théorème. cqfd

6.L’exemple de Courter ()

Dans ce qui suit Ms,t(K) désigne la K-algèbre des matrices à s lignes et t colonnes.

Soit (a, b, c, d, e, f,g,h) ∈ K8 et

             [ 0  0  a  0 b  0  c  e  0  f  0  g ]
W1=W1(a,b,c,d,e,f,g,h) :=  0  0  0 a  0  b  d  0  e  0  f  h  ∈ M2,12(K ).

Soit (m, n, p, q) ∈ K4 et W2 = W2(m,n,p,q) := [       ]
  m  n
  p   q∈M2,2(K). Soit W3 la matrice nulle de M12,12(K) et W4 = W4(a,b,c,d,e,f,g,h) ∈M12,2(K) défini par

t[ c  d  0  0  a  g  h  0 0   e 0  0 ]
W4=  0  0  c  d  b  0  0  g h  f  0  0   ∈ M2,12(K ).

Soit

                                 [ W1  W2  ]
W = W (a,b,c,d,e,f,g,h,m,n,p,q) :=  W3  W4   .

Enfin soit

ʹ                         12                ʹ
W:={W|(a,b,c,d,e,f,g,h,m,n,p,q) ∈ K } etS := KI14 ⊕ W ⊂ M14,14(K ).

Facilement S est un sous-espace vectoriel de M14,14(K) de dimension 13. Assez facilement S est une sous-algèbre commutative de M14,14(K). Plus difficilement Courter montre que S est une sous-algèbre commutative maximale de M14,14(K).

Remerciements.

Nous remercions le relecteur pour ses remarques judicieuses.

Références

[Co1]   Courter R. C. The maximum dimension of nilpotent subspaces of Kn satisfying the identity Sd. Journal of Algebra, 91, 82-110 (1984)

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[Cow]   Cowsik R. C. A short note on the Schur-Jacobson theorem. Proceedings of the American Mathematical Society vol. 118, no2, 675-676, juin 1993

[F1]   Fresnel J. Algèbre des matrices. Hermann (2011)

[F2]   Fresnel J. Espaces quadratiques, euclidiens, hermitiens. Hermann (1999)

[F-M1]   Fresnel J., Matignon M. Algèbre et Géométrie, recueil d’exercices corrigés. Hermann (2011) et
Errata https ://www.math.u-bordeaux.fr/~mmatigno/agregation.html

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Compléments-Errata https ://www.math.u-bordeaux.fr/~mmatigno/agregation.html

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[M]   Mirzakhani M. A simple proof of a theorem of Schur, The American Mathematical Monthly, vol. 105, no3, 260-262 (mars 1998)

[S]   Schur I. Zur Theorie der vertauschbaren Matrizen. J. Reine Angew. Math. 130, 66-76 (1905)

Ω
[Table des matières]