[Questions-Reponses]

R800. Posé dans RMS 123-4.

Étudier la surjectivité de f : AA donnée par f(a) = expa, Aétant une algèbre normée complète. (Alain Tissier)

La question a été résolue dans le deuxième sujet de l’agrégation interne de mathématiques de la session 2013 pour les algèbres A = Mn(C) n > 0. Cet énoncé et son corrigé sont parus dans RMS 123-4, numéro dans lequel figurait le texte de la question. Toutefois on admettait dans l’énoncé que si une fonction entière h : C C ne s’annule pas il existe une fonction entière l : C C telle que el = h.

Nous avons reçu deux réponses très différentes.

Dans sa réponse, Philippe Bonnet caractérise les fonctions entières surjectives sur toute C-algèbre de dimension finie et en particulier les fonctions du type fP : a↦→P(a)eaP est un polynôme ; ainsi f est surjective sur toute algèbre complexe de dimension finie.

Il caractérise ensuite les fonctions entières surjectives sur toute C-algèbre de Banach et montre en particulier que ni f ni aucune fonction du type fP ne vérifie cette propriété.

Dans sa très longue réponse que nous ne pouvons reproduire ici, Alain Rémondière établit la surjectivité de f sur toute algèbre complexe de dimension finie ; puis il traite des exemples d’algèbres de Banach classiques. Cette réponse pourrait faire l’objet d’un prochain article.

Réponse de Philippe Bonnet

On se propose de démontrer des résultats généraux sur la surjectivité des fonctions entières pour les C-algèbres de dimension finie, puis pour les C-algèbres de Banach quelconques (que l’on supposera toujours unitaires) et d’appliquer ces critères à la fonction f : z↦-→z exp(z). Avant de commencer, on procède à quelques rappels.

Préliminaires

Étant donnée une fonction entière h : C-→C et une C-algèbre de Banach A (dont la norme est notée ∥ ⋅ ∥), on peut définir l’application h sur A comme suit. Comme la fonction h est entière, elle admet un développement en série entière sur C de la forme

h(z) = ∑

n=0+anzn

et dont le rayon de convergence est infini. D’après le lemme d’Abel, pour tout r > 0 la suite (|an rn |)n∈N est bornée, et donc il existe Mr 0 tel que |an|Mr-
rn pour tout n de N.

Pour tout élément a de A, fixons un réel r > 0 tel que a< r. Comme ∥⋅∥ est une norme d’algèbre, on a anan     n
Mrr∥an∥- pour tout n de N, et donc la série ∑

n≥0anan converge normalement ; elle converge dans A vu que A est complète. Par la suite, on pose alors pour tout a de A :

      +∑ ∞    n
h(a) =    ana .
      n=0
Remarquons au passage que, si A est une C-algèbre de dimension finie, elle peut toujours être munie d’une norme d’algèbre ∥⋅∥. Pour ce faire, il suffit de se fixer une norme quelconque N sur A (ce qui ne pose pas de problème en dimension finie), puis de poser
a= sup
x⁄=0N-(ax)
 N(x)

pour tout a de A. De plus, comme A est de dimension finie, elle est complète pour cette norme d’algèbre. Qui plus est, comme toutes les normes sont équivalentes en dimension finie, la notion de convergence et la somme de la série ci-dessus sont indépendantes de la norme choisie pour A. En d’autres termes, la fonction h est définie sur toute C-algèbre A de dimension finie, et ce indépendamment de la norme choisie.

Dans la suite, on dira que l’application h est surjective sur la C-algèbre normée complète A si l’application h : A-→A est surjective. Enfin, on désignera par Ch l’ensemble des points critiques de h, c’est-à-dire l’ensemble des nombres complexes z tels que hʹ(z) = 0.

Les énoncés des théorèmes

On va commencer par établir :

Théorème 1.Soit h : C-→C une fonction entière. Alors h est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie si et seulement si h(C \Ch) = C.

À titre d’exemple, on voit que les fonctions sin et cos ne sont pas surjectives sur toute C-algèbre de dimension finie. En effet, comme sin2 + cos2 = 1, que sinʹ = cos et que cosʹ = -sin, on voit que les valeurs - 1 et 1 ne sont prises par ces deux fonctions qu’en des points critiques. Dès lors, ceci entraîne que sin(C \Csin) = C et cos(C \Ccos) = C, d’où le résultat d’après le théorème .

On déduit de ce théorème :

Corollaire 1.Soit P un polynôme complexe. On pose fP : z↦-→P(z)ez. Alors fP est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie si et seulement si P admet au moins une racine simple. En particulier, l’application f est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie.

Par la suite, pour tout réel r > 0, on désigne par Hr l’ensemble des fonctions continues sur le disque fermé D(0,r) de centre 0 et de rayon r et holomorphes sur l’intérieur de ce disque, le tout muni de la norme de la convergence uniforme sur D(0,r). D’après le principe du maximum et le fait que toute suite de Cauchy de fonctions holomorphes converge uniformément sur les compacts vers une fonction holomorphe, on vérifie aisément que Hr est aussi une C-algèbre normée complète pour tout r > 0. On montre alors :

Théorème 2.Soit h : C-→C une fonction entière. Alors l’application h est surjective sur toute C -algèbre de Banach si et seulement si, pour tout r > 0, il existe un élément gr de Hr tel que h gr = IdD(0,r).

En particulier, il s’ensuit que, si h n’est pas surjective sur une C-algèbre de Banach, alors elle ne l’est pas sur une C-algèbre de la forme Hr pour un certain réel r > 0.

Corollaire 2.Étant donné un polynôme complexe non constant dont l’ensemble des racines est {z1 , , zn }, on pose :

               |           |
rP =  max  max |P (zi - t)ezi-t|.
     i∈[[1,n]]t∈R+
Alors, pour tout r > rP, la fonction fP n’est pas surjective sur Hr. En particulier, pour tout r > e -1 , la fonction f n’est pas surjective sur Hr.

A priori, on pourrait penser au vu du théorème que les automorphismes analytiques de C sont les seules fonctions entières qui sont surjectives sur toutes les C-algèbres de Banach. Il se trouve que ce n’est pas le cas, comme le montre :

Corollaire 3.Pour tout polynôme complexe non constant P , la fonction z↦-→P(z)sin(z) est surjective sur toute C-algèbre de Banach.

Les démonstrations des théorèmes

Démonstration du théorème

Fixons une fonction entière h : z↦-→∑

n=0+anzn. Pour la démonstration, on va procéder par double implication.

Tout d’abord, supposons que h est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie, et considérons la C -algèbre :

                         (    )      (    )
A=  VectC (I2,N ), avecI2 = 1  0 etN =   0 1  .
                          0  1         0 0
Fixons un nombre complexe λ quelconque. Comme h est surjective sur A par hypothèse, il existe des éléments λʹ, μʹ∈ C tels que h(λʹI2 + μʹN) = λI2 + N. On a :
h(λʹI2 + μʹN) = ∑

n=0+a n  ʹ    ʹ
(λ I2 + μ N)n.

D’après la formule du binôme, on obtient, puisque N2 = 0 :

(λʹI2 + μʹN )n = (λʹ)nI 2 + n(λʹ)n-1μʹN,

donc : h(λʹI2 + μʹN) = (            )
 ∑+n=∞0 an(λʹ)nI2 + (               )
 ∑+n∞=0nan (λʹ)n-1μʹN, soit :

h(λʹI2 + μʹN) = h(λʹ)I2 + hʹ(λʹ)μʹN.

Comme h(λʹ)I2 + hʹ(λʹ)μʹN = λI2 + N, il s’ensuit que h(λʹ) = λ et hʹ(λʹ)μʹ = 1, et donc

h(λʹ) = λ et hʹ(λʹ) = 0.

En particulier, le nombre complexe λ admet un antécédent par h qui n’est pas un point critique de h. Comme ceci est vrai pour tout λ complexe, on en déduit que h(C \Ch) = C.

Réciproquement, supposons que h(C \Ch) = C, et soit A une C-algèbre quelconque de dimension finie. Il s’agit de montrer que h est surjective sur A. Pour ce faire, considérons un élément a de A. Comme A est de dimension finie, la sous-algèbre C[a] est de dimension finie. Si l’on montre que h est surjective sur C[a], alors il existera un élément aʹ de C[a] tel que h(aʹ) = a. Comme C [a] est une sous-algèbre de A, l’élément a admettra bien un antécédent par h dans A. Dès lors, pour montrer que h est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie, il suffit de vérifier que h est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie de la forme A = C[a]. Par la suite, on se limitera donc à ce type d’algèbre.

Considérons alors une C-algèbre A de dimension finie de la forme A = C[a]. Comme A est de dimension finie, a admet un polynôme minimal M unitaire non constant, lequel est un générateur de l’idéal principal I = {P ∈ C[X],P(a) = 0}. Dès lors, le morphisme surjectif de C-algèbres Φ : C [X]↦-→C[a], P↦-→P(a) induit par passage au quotient un isomorphisme de C-algèbres :

φ : C [X ]⁄(M ) - → C[a].
D’après le théorème de d’Alembert-Gauss, le polynôme M se factorise sous la forme M = r
∏
i=1(X -λi)ni, où λ1,r sont des nombres complexes distincts et n1,,nr > 0. D’après le lemme chinois, on a alors un isomorphisme de C-algèbres :
           ∏r      (         )
C[X ]⁄(M ) ≃   C[X ]⁄ (X - λi)ni .
           i=1
En particulier, on a un isomorphisme de C-algèbres φ1 : A-→∏r

i=1C[X]((X - λi)ni). À noter que, pour tout x de C [a], avec φ1(x) = (x1,,xr), on a φ1(xn) = (xn
1,,xn
r) pour tout n de N. En particulier, pour tout p de N on obtient :
   (       )   (                    )
    ∑p    n      ∑p    n     ∑p    n
φ1     anx   =      anx1,...,   anxr  .
    n=0          n=0         n=0
Par passage à la limite quand p tend vers + (ce qui ne pose pas de problème car φ1 est C-linéaire, et donc continu, vu qu’on travaille en dimension finie), il vient :
   (       )   (                    )
    +∑∞           +∑∞          +∑∞
φ1     anxn  =      anxn1,...,   anxnr  .
    n=0          n=0         n=0
En d’autres termes, on voit que φ1(h(x)) = (h(x1),,h(xr)) pour tout x de A. Donc φ1 h = h φ1 . En particulier, les applications h relatives respectivement à C[a] et à r∏

i=1C[X]((X - λi)ni) se correspondent via l’isomorphisme φ1.

Dès lors, la première est surjective si et seulement si la seconde l’est. Mais comme la seconde agit coordonnée par coordonnée, on voit qu’elle est surjective si et seulement si chaque application h : C[X]((X - λi)ni)-→C[X]((X - λi)ni) est surjective.

Dès lors, pour montrer que h est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie de la forme A = C [a], il suffit de vérifier que h est surjective sur toute C-algèbre de la forme C[X]((X -λ)n), où λ est un complexe et n un entier strictement positif. Quitte à remplacer X par X - λ, on est donc ramené à montrer la surjectivité de h sur toute C-algèbre de la forme C[X](Xn), où n > 0.

Considérons alors une C-algèbre de la forme A = C[X]  n
(X  ), où n > 0. D’après ce qui précède, il reste à montrer que h est surjective sur A. Si n = 1, alors A = C et la surjectivité de h vient de ce que h(C \ Ch ) = C. Par la suite, on supposera n 2 et on désignera par x la classe de X modulo Xn . Soit y un élément de A, de la forme

y = a0 + a1 x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1,

a0 , , an-1 sont dans C. Comme h(C \Ch) = C par hypothèse, il existe un nombre complexe λ tel que h(λ) = a0 et hʹ(λ) = 0. Fixons dès à présent ce nombre complexe λ. Comme xn = 0, on voit que (xʹ)n = 0 pour tout xʹ de A de la forme xʹ = b1x + ⋅⋅⋅ + bn-1xn-1, où b1,,bn-1 dans C. Pour tout xʹ de la forme ci-dessus, on trouve avec la formule du binôme et par des calculs un peu longs mais sans difficulté que :

      ʹ   n∑-1 h(k)(λ)  ʹk
h(λ+ x ) =    --k!--(x ) .
          k=0
Considérons le polynôme P = n-∑ 1

k=1 (k)
hk(!λ)Xk. Comme P(0) = 0 et Pʹ(0) = 0, le polynôme P admet une application réciproque donnée sous la forme d’une série formelle S = ∑

k=1+skXk (et ce d’après le théorème d’inversion locale pour les séries formelles).

Posons Q = ∑

k=1n-1skXk ; alors P Q X mod(Xn). Posons xʹ = Q(a1x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1) ; alors, d’après ce qui précède, on a (xʹ)n = 0 et (a1x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1)n = 0, et donc

P(xʹ) = P(Q(a1x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1)) = a1x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1.

Dès lors, comme h(λ) = a0 et que y = a0 + a1x + ⋅⋅⋅ + an-1xn-1, ceci nous donne :

h(λ+ xʹ) = h(λ )+ P(xʹ) = a0 + a1x+ ⋅⋅⋅+ an-1xn-1 = y.
En particulier, y admet un antécédent par h sur A. Comme ceci est vrai pour tout y de A, on en déduit que h est surjective sur toute C-algèbre de la forme A = C[X](Xn), où n > 0, ce qui conclut la démonstration du théorème . __

Démonstration du corollaire

Soit P un polynôme complexe. Par définition, la fonction fP est entière sur C. On distingue alors deux cas.

Supposons tout d’abord que P n’a que des racines multiples. Alors les solutions de l’équation fP (z) = 0 sont exactement les racines de P , lesquelles sont des racines de Pʹ par hypothèse, et donc fʹP(z) = (P(z) + Pʹ(z))ez = 0 pour tout z tel que fP(z) = 0. En particulier, tous les antécédents de 0 par fP sont des points critiques de fP, ce qui entraîne fP(C \CfP) C*, et donc fP n’est pas surjective sur toute C-algèbre de dimension finie d’après le théorème .

Supposons maintenant que P a au moins une racine simple. Alors P n’est pas le polynôme nul. Si l’on pose n = deg(P), on montre par une récurrence facile que, pour tout k de N, il existe un polynôme Pk de degré n tel que f(Pk)(z) = Pk(z)ez pour tout z. En particulier, on voit que f(k)
P = 0 pour tout k, et donc fP n’est pas polynomiale.

D’après le grand théorème de Picard, il existe alors un nombre complexe z0 tel que C \{z0}⊂ fP(C) et tel que tout nombre complexe distinct de z0 est atteint une infinité de fois par fP. Comme fP (z) = P(z)e z pour tout z, on voit que f- 1
P({0}) est l’ensemble des racines de P . Comme cet ensemble est fini, il s’ensuit que z0 est nul. Dès lors, toute valeur λ non nulle est prise une infinité de fois par fP .

Comme fʹP(z) = (P(z) + Pʹ(z))ez pour tout z, les points critiques de fP sont exactement les racines de P + Pʹ. Comme elles sont en nombre fini, il existe un nombre complexe λʹ tel que fP (λʹ) = λ et fʹP(λʹ) = 0. Comme ceci est vrai pour tout λ = 0, il s’ensuit que

C*fP (C \ CfP).

De plus, comme P admet une racine simple z1, on voit que fP(z1) = P(z1)ez1 = 0 et fʹP(z1 ) = (P(z1 ) + Pʹ(z1))ez1 = Pʹ(z1)ez1 = 0, et donc 0 ∈ fP(C \Cf P). Par conséquent, on a

fP (C \ CfP ) = C.

Ceci entraîne que fP est surjective sur toute C-algèbre de dimension finie d’après le théorème et conclut la démonstration du corollaire . __

Démonstration du théorème

Soit h : C -→ C une fonction entière admettant un développement en série entière au voisinage de 0 donné par h(z) = +∑∞

k=0akzk.

Supposons tout d’abord que h est surjective sur toute C-algèbre de Banach. Alors elle est forcément surjective sur la C-algèbre Hr pour tout réel r > 0. Comme la fonction IdD(0,r) appartient à Hr , il existe pour tout r > 0 un élément gr de Hr tel que h(gr) = IdD(0,r). Or, pour tout g de Hr , on trouve par des calculs simples que h(g) = ∑
k=0+akgk = h g. En particulier, il existe pour tout r > 0 un élément gr de Hr tel que h gr = IdD(0,r).

Réciproquement, supposons qu’il existe pour tout r > 0 un élément gr de Hr tel que h gr = Id D(0, r). Soit A une C-algèbre de Banach, dont la norme est notée ∥⋅∥, et soit a un élément de A. Fixons un réel r > 0 tel que a< r.

Comme gr est holomorphe sur le disque ouvert D(0,r), elle y admet un développement en série entière de la forme gr(z) = +∑∞

k=0bkzk, lequel est convergent pour tout z tel que |z| < r. Comme ∥⋅∥ est une norme d’algèbre, on voit que bkak|bk|.ak pour tout k ∈ N. Dès lors, comme a< r, la série ∑

k≥0bkak converge normalement. Comme A est une algèbre de Banach, il s’ensuit que cette série converge dans A. Si l’on pose

gr (a) = +∞∑

k=0bkak,

alors on obtient d’après ce qui précède que h(gr(a)) = h gr(a) = a, et donc a admet un antécédent par h dans A. Comme ceci est vrai pour tout a de A, on en déduit que h est surjective sur A, d’où le résultat. __

Démonstration du corollaire

Soit P un polynôme complexe non constant, de racines z1,,zn. On pose :

               |           |
rP = i∈m[a[1x,n]] max |P (zi - t)ezi-t|.
           t∈R+
Il s’agit de montrer que, pour tout r > rP, la fonction fP n’est pas surjective sur Hr. Pour ce faire, on raisonne par l’absurde et on suppose que fP est surjective sur Hr pour un certain r > rP. Comme la fonction Id D(0,r) appartient à Hr, il existe par surjectivité un élément g de Hr tel que

fP (g) = fP g = IdD(0,r).

Comme fP (g(0)) = 0, on voit que g(0) est égal à l’un des zi, que l’on notera zi0. Par la suite, on désigne par Ur la composante connexe de (fP)-1(D(0,r)) qui contient zi0. Par construction, on voit que fP envoie l’ouvert Ur dans D(0,r) ; on note alors fr la restriction de fP à Ur.

De même, comme D(0,r) est connexe et que g est holomorphe non constante, l’ensemble g(D(0,r)) est un ouvert connexe contenant g(0) = zi0. Comme fP g = IdD(0,r), on voit que fP envoie l’ouvert g(D(0,r)) dans D(0,r). En particulier, l’ouvert g(D(0,r)) est contenu dans (fP )-1 (D(0,r)). Comme g(D(0,r)) est connexe et contient zi0, il s’ensuit que g(D(0,r))Ur ; on note alors gr la restriction de g à D(0,r).

Par construction, on voit que fr est une application de Ur dans D(0,r), que gr est une application de D(0, r) dans Ur et que, de plus, fr gr = IdD(0,r). À noter que les fonctions fr et gr sont holomorphes sur leurs domaines de définition respectifs. Comme fr gr = IdD(0,r), on voit que fr (gr (z)) = z pour tout z ∈ D(0,r), ce qui entraîne par composition que

gr (fr (gr (z))) = gr(z) pour tout z ∈ D(0,r),

et donc les fonctions gr fr et IdUr coïncident sur l’ouvert gr(D(0,r)) = g(D(0,r)). Comme cet ouvert est contenu dans l’ouvert connexe Ur et que les fonctions gr fr et IdUr sont holomorphes sur Ur, il s’ensuit qu’elles coïncident sur Ur tout entier, et donc gr fr = IdUr. Dès lors, comme fr gr = IdD(0,r), on en déduit que fr et gr sont bijections réciproques l’une de l’autre. En particulier, on voit que

g(D(0,r)) = gr(D(0,r)) = Ur.

Comme la fonction g est continue sur D(0,r), ceci entraîne que Ur est contenu dans le compact g(D(0, r) ), et donc Ur est un ouvert borné de C.

C’est cette propriété de l’ouvert Ur qui va tout faire marcher. En effet, considérons le chemin continu γ : R + -→C, t↦-→zi0 - t. Par construction, on a γ(0) = zi0 et :

                             zi -t
mta∈xR |fP • γ(t)| = mta∈xR |P(zi0 - t)e 0 | ≤ rP.
   +              +
Comme r > rP par hypothèse, le chemin continu fP γ est contenu dans D(0,r), et donc le chemin continu γ est contenu dans la composante connexe de (fP)-1(D(0,r)) qui contient γ(0) = zi0 , c’est-à-dire dans Ur. Mais ceci est impossible car Ur est borné et γ ne l’est pas, d’où la contradiction finale et le résultat. En particulier, si P = X, alors 0 est la seule racine de P et l’on trouve par une rapide étude de fonction que :
          - t   -1
rX = tm∈aRx|te | = e .
       +
Dès lors, la fonction f n’est pas surjective sur Hr pour tout r > e-1. __

Démonstration du corollaire

Soit P un polynôme complexe non constant. Montrons que la fonction entière

SP : z↦-→ P(z) sin(z)

est surjective sur toute C-algèbre de Banach. Pour ce faire, on va prouver que, pour tout réel r > 0, il existe une fonction holomorphe gr : D(0,r)-→C telle que SP gr = IdD(0,r).

En effet, si c’est le cas, alors la fonction gr donnera par restriction au disque fermé D(0,r⁄2) une fonction Gr⁄2 continue sur D(0,r⁄2) et holomorphe sur D(0,r⁄2) telle que SP Gr⁄2 = IdD(0,r⁄2). Comme ceci sera vrai pour tout r > 0, on pourra conclure à l’aide du théorème que SP est bien surjective sur toute C-algèbre de Banach.

Pour ce faire, on part du fait que, comme deg(P) 1, la fonction z↦-→|P(z)| tend vers + quand |z| tend vers + . Fixons un réel R > 0 tel que, pour tout z ∈ C tel que |z| > R, on ait |P(z)| > r, et posons k = Rπ + 12+ 2. Par construction, il vient

k 2  et - π
2 > R.

Considérons alors le rectangle Rk du plan complexe délimité par les droites d’équation

ℜ𝔢(z) = - π
2, ℜ𝔢(z) = + π
2, ℑ𝔪(z) = k et ℑ𝔪(z) = -k.

Pour tout z = x + iy x et y sont réels, on a sin(z) = sin(x)ch(y) + icos(x)sh(y). Dès lors, en utilisant le fait que ch2 = 1 + sh2, on obtient par des calculs simples :

                            • --------------
|SP(z)| = |P(z)|.|sin(z)| = |P(z)| sin2(x)+ sh2(y).
Pour tout z tel que ℜ𝔢 (z) = x = -π
2, on a

|SP (z)| |P(z)| > r car |z||x| = -π2 > R.

De même on a |SP(z)| > r pour tout z tel que ℜ𝔢(z) = x = + π
2. En outre, pour tout z tel que ℑ𝔪(z) = y = k et ℜ𝔢(z) = x -π
2, on a

|SP (z)| |P(z)|.|sh(y)| > r|y| > r car |z||x| = -π2 > R et |y| = k 2.

De même, on a |SP(z)| > r pour tout z tel que ℑ𝔪(z) = -k et ℜ𝔢(z) -π
2.

En d’autres termes, on vient de vérifier que le module de la fonction SP était strictement supérieur à r sur le bord ∂Rk du rectangle Rk. Fixons un arc simple fermé orienté dans le sens trigonométrique γ qui parcourt ∂Rk. Comme |SP(z)| > r pour tout z de ∂Rk, la fonction SP γ - w ne s’annule jamais, et ce pour tout w de D(0,r). Pour tout w de D(0,r), on pose :

       ∫      ʹ
N(w ) =  -(SP)-(z)-dz.
        γSP (z)- w
Par construction, la fonction N est bien définie et continue sur D(0,r). D’après le principe de l’argument, on voit que, pour tout w de D(0,r), le nombre N(w) correspond au nombre de solutions (comptées avec multiplicités) de l’équation SP(z) = w dans l’intérieur Rk,0 de Rk. Comme D(0, r) est connexe, il s’ensuit que N y est constante. À noter que le rectangle Rk n’intersecte pas le disque D(0,R), ce qui entraîne |P(z)| > r pour tout z de Rk,0, et donc P(z) = 0 pour tout z de Rk,0. Ainsi l’équation SP(z) = P(z)sin(z) = 0 admet z = comme unique solution dans Rk,0.

À noter aussi que, comme P ne s’annule pas sur Rk,0, on a P() = 0 et

(SP )ʹ() = P()cos() + Pʹ()sin() = P()cos() = 0.

En particulier, ceci entraîne N(0) = 1, et donc N(w) = 1 pour tout w ∈ D(0,r). En d’autres termes, l’équation SP(z) = w admet une unique solution dans Rk,0, et ce pour tout w de D(0,r). Posons alors

Ur = Rk,0 (SP )-1(D(0,r)).

Par construction, l’ensemble Ur est un ouvert non vide de C et de plus, la restriction (SP )|Ur : Ur -→ D(0,r) est bijective. Comme SP est holomorphe, l’application (SP)|Ur est en fait un biholomorphisme de Ur sur D(0,r). Si l’on désigne par gr sa bijection réciproque, alors gr est holomorphe de D(0,r) sur Ur et de plus, on a SP gr = (SP)|Ur gr = IdD(0,r). Ceci conclut la démonstration. __
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