138. Existe-t-il une fonction g : R+ R telle que, pour toute fonction f : R R somme d’une série entière, on ait f(x) = o(g(x)) quand x tend vers +  ?

Solution de Laurent Bonavero

La réponse est négative et nous en proposons deux démonstrations, dont la première est proposée par Laurent Bonavero.

Première solution

Cela découle immédiatement du :

Lemme 1.Pour toute suite (ck)k ∈ RN+, il existe une fonction f : R R, somme d’une série entière, vérifiant : k ∈ N, f(k) ck.

Preuve. Soit (nk )k∈N* ∈ NN* strictement croissante telle que (   )
 k+k1nk c k+1. La série entière c0 + +∞∑

i=1()
xini a un rayon de convergence infini puisque, pour tout r > 0, limi+( )
 rini = 0, et sa somme f vérifie f(0) c0 ainsi que, pour tout k ∈ N,

          (k + 1)nk
f(k + 1) ≥ -----    ≥ ck+1.
             k

Seconde solution

L’idée est similaire, mais on se propose de prouver un théorème d’interpolation plus précis :

Théorème 1.Pour toute suite (cn)n ∈ RN, il existe une fonction f : R R, somme d’une série entière, vérifiant : n ∈ N, f(n) = cn.

Cet énoncé, et sa preuve, sont directement inspirés du théorème d’interpolation général qu’on peut lire dans le Rudin ([RU], théorème 15.13), lui-même corollaire du théorème de Mittag-Leffler. Nous aurons besoin du lemme suivant :

Lemme 2.Pour tout p ∈ N, x↦→sinp(-πxx) est développable en série entière sur R.

Preuve. On a

sin(πx)           sin(π(p- x))          +∑∞  (- 1)k
- =  (- 1)p+1---------- = (- 1)p+1    --------(p - x)2k
p-x              p - x             k=0(2k+ 1)!
            +∑∞   (- 1)k ∑2k     (2k)
  =  (- 1)p+1  (2k-+-1)!   (- 1)j j  p2k-jxj
            k=0        j=0
Or un calcul similaire montre que
+∑∞ ∑2k         (  )
      ---1---- 2k  p2k-j|x|j = sh(p+-|x-|) < +∞.
k=0j=0(2k+ 1)!  j              p+ |x |
Donc, par le théorème de sommation par paquets :
            +∞      (  +∞          (   )     )
sin(πx)-= (- 1)p+1∑ (- 1)j( ∑    -(- 1)k- 2k p2k-j) xj
p-x           j=0      k=⌈j⁄2⌉ (2k + 1)!  j

Preuve du théorème. Soit (cn)n∈N ∈ RN. Choisissons, pour chaque n ∈ N*, un entier mn vérifiant (1-1)
nmn+1 n1---
2|cn|. Pour des raisons de simplicité de rédaction, on supposera sans perte de généralité que la suite (mn) est croissante. Posons :

{sin(πx) [c0-  ∑+ ∞     n+1   (-1-   ∑mn  -xk-)]
f(x)=  π    x +   n=1(- 1)   cn  n-x -   k=0 nk+1  six ⁄∈ N
 cn six = n ∈ N

Montrons que cette fonction est bien définie et continue. Soit N ∈ N*.

Pour x ∈ [-(N - 1),N - 1], et n N, on a

||mn∑k ||  || +∑ ∞    k  ||    +∑∞        k   (     )mn+1
||1-xk+1||= ||      -xk+1-||≤        (n--k+11)-=   1- 1-      ≤ -n1--
|n-xk=0n  |  |k=mn+1 n    |  k=mn+1  n            n         2 |cn|

On en déduit que la série de fonctions

+ ∞         (         mn     )
∑  (- 1)n+1cn  --1--- ∑   -xk--
n=N           n - x  k=0 nk+1
converge normalement relativement à x ∈ [-(N - 1),N - 1], donc que f est bien définie et continue sur ] - (N - 1),N - 1[\N. En outre, étant donné p ∈]] - (N - 1),N - 1[[, on peut pour x ∈ [-(N - 1), N - 1] \ N écrire f(x) comme somme de (-1)p+1cpsin(πx)
--π-- 1
p-x et d’une fonction continue de x multipliée par sin(πx). Donc f(x)-→xpcp. Ainsi, l’application f est bien définie et continue.

En outre, toujours pour x ∈ [-(N - 1),N - 1], puisque   +∞
  ∑
k=m  +1
    n|cn||x|k-
nk+1 -1
2n, la famille (xk)
cnnk+1nN,k>mn est sommable et l’on a :

+∞    (        m      )     +∞   (               )
∑(-1)n+1c   -1---- ∑n -xk-- =   ∑    (    ∑      -1--) xk
n=N  n   n- x   k=0 nk+1    k=m  +1  n;n≥N,m <k nk+1
                             N          n

Par le théorème de Cauchy, l’application

           +∑∞          (  1     m∑n  xk )
x ↦→ sin(πx)    (- 1)n+1cn  ----- -    -k+1-
          n=N           n - x   k=0 n

est développable en série entière sur [-(N - 1),N - 1].

Or, par le lemme, il en est de même de l’application

          N∑-1         (       ∑mn   k )
x ↦→ sin(πx)    (- 1)n+1cn  --1-- -    -x---
          n=0           n - x  k=0 nk+1

Donc f est développable en série entière sur [-(N - 1),N - 1]. Ceci étant vrai pour tout N ∈ N*, f est développable en série entière sur R (par unicité du développement en série entière, les coefficients du développement en série entière sur [-(N - 1),N - 1] sont indépendants de N).

[RU] Walter Rudin, Analyse réelle et complexe, Dunod 3e édition.


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