115. Soient E = C0([0,1], R) et, pour n ∈ N et f ∈ E, Mn(f) = ∫ 1

 0tnf(t)d t.

a) Soient f et g dans E telles que n ∈ N,Mn(f) = Mn(g). Montrer que f = g.

b) Existe-t-il f ∈ E telle que n ∈ N,Mn(f) = exp(   2)
 - n10 ?

c) Existe-t-il f ∈ E telle que n ∈ N,Mn(f) = ---1--
1+10n2 ?

a) Notons ⟨,⟩ le produit scalaire usuel sur E et posons h = f - g.

Alors h est orthogonale au sous-espace P des fonctions polynomiales. Or P est dense dans E pour (théorème de Weierstraß) et la forme linéaire u ∈ E↦→⟨u,h⟩ est continue pour cette même norme (car u,|⟨u,h⟩|uh) donc ⟨h,h⟩ = 0 et par suite h = 0 i.e. f = g.

b) Commençons par rassurer les candidats à l’ENS de Lyon : après enquête de nos services il est apparu que l’interrogateur supposait de plus f positive.

Le cas général est plus difficile mais néanmoins faisable par la méthode suivante qui prouve que, si Mn (f) est négligeable devant toute suite géométrique, alors f est nulle.

Un calcul : pour tout couple (a,b) ∈ (N*)2 et tout n ∈ N* on a

∫                            √ ----
1[ab]n     -(an)!(bn)!--      -------2πabaanbbn-------    n -1⁄2
0t(1-t)dt = (an + bn+ 1)!n→~+ ∞ (a + b)(a+b)n(a+ b)3⁄2n1⁄2 = Cr n

avec r = aabba+b-
(a+b) > 0 et C > 0.

Supposons maintenant que f n’est pas nulle sur [0,1] il existe alors un rationnel t0 = -a-
a+b avec 0 < a, b tel que f(t0) = 0.

Comme ta (1 - t)b atteint son maximum en l’unique point t0 de [0,1] on a alors classiquement l’équivalent

∫1[a   b]n                ∫ 1[a      b]n          n  -1⁄2
0t(1- t)  f (t)dtn→~+ ∞f (t0) 0 t (1- t)  dtn→~+ ∞ Dr n

avec D = 0.

Prenons alors s > 0 tel que sa(1 + s)b < r et K tel que n,|Mn(f)|Ksn. Comme pour tout n on a ∫
1
0[ta(1 - t)b]nf(t)d t = bn
∑

k=0(bn k ) (-1)kMan+k(f) on voit que

||∫1[  ]      ||    ∑bn (  )
||ta(1-t)b nf(t)dt|| ≤ K     bn  san+k = Ksan (1 + s)bn = o(rnn- 1⁄2)
0              k=0  k

ce qui contredit l’équivalent obtenu plus haut.

c) Pour b = 10-12 > 0 l’application t↦→t1+ib est dans E (complexifié !) et ses moments valent ∫1

0tn+1+ib d t = n+11+1+ib- donc f : t↦→b2i(t1-ib - t1+ib) est dans E et admet les moments Mn (f) = b2
(n+1+1)2+b2 =     1
10(n+2)2+1

Supposons maintenant que g ∈ E vérifie n,Mn(g) = 1+110n2 alors f et t↦→t2g(t) sont dans E et ont les mêmes moments donc t > 0,g(t) = b2it(t-ib - tib). C’est absurde car cette fonction diverge en 0.

Conclusion : il n’existe pas de f ∈ E telle que n ∈ N,Mn(f) = 1+110n2-.
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