63. Soient n ∈ N*, (E, (,)) un espace euclidien de dimension n, (e1,,en) une base orthogonale de E. Si 1 i n, on note di = ei. Soit m ∈{1,,n}. Montrer que les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
  • il existe un sous-espace vectoriel V de E de dimension m tel que les projetés orthogonaux de e1,,en sur V aient même norme ;
  • pour tout i ∈{1,,n}, on a d2i(       )
 ∑nj=1 1d2-
       jm.

Solution combinant les idées d’Ivan Gozard et celles du comité de rédaction

Notons eʹi le normalisé de ei pour tout i ∈ [ [1,n]], si bien que (eʹ1,,eʹn) est une base orthonormée de E. On notera πV la projection orthogonale de E sur V , lorsque V désigne un sous-espace vectoriel de E.

Supposons d’abord qu’il existe un sous-espace vectoriel V de dimension m tel que les vecteurs πV (ei ) aient même norme, notée λ. Choisissons une base orthonormée (f1,,fm) de V . On a donc, pour tout i ∈ [ [1,n]],

 2          2  ∑m        2   2∑m      ʹ2
λ  = ∥πV(ei)∥ =    (fk | ei) = di (fk | ei)
               k=1            k=1
donc
∑m
   (fk | eʹi)2 = λ2d-i2.
k=1
En sommant sur i, il vient
n∑     ∑n ∑m          ∑m  n∑           ∑m
λ2d-i2 =       (fk | eʹi)2 =     (eʹi | fk)2 = ∥fk∥2 = m.
i=1     i=1 k=1         k=1 i=1          k=1
Enfin, pour tout i ∈ [ [1,n]], l’inégalité de Bessel indique que λ2 d2i donc d2i∑n

j=1d-j 2 m.

Nous proposons ensuite deux démonstrations voisines de l’implication réciproque. Nous disons qu’une liste (a1 , ,an) ∈ [0,1]n est m-compatible si  n
∑

k=1ak = m ; nous fixons définitivement un sous-espace vectoriel V de dimension m de E.

Nous disons qu’une liste a ∈ Rn est V -représentable lorsqu’il existe une base orthonormée (ε1 , , εn ) de E (dite adaptée à (a,V )) telle que a = (∥πV(εi)∥2)1in. La première partie de la démonstration montre en fait que toute liste V -représentable est m-compatible.

Enfin, une matrice U ∈ On(R) est dite adaptée à (a,m) lorsque j ∈ [ [1,n]],aj = ∑m

 i=1u2i,j.

Nous introduisons maintenant deux énoncés profondément équivalents :

  • Toute n-liste m-compatible (a1,,an) est V -représentable.
  • Pour toute n-liste m-compatible a, il existe une matrice U ∈ On(R) adaptée à (a,m).

Nous allons d’abord montrer que (R) implique (G) et que (G) assure l’implication (ii) (i). Ensuite, nous donnerons une démonstration directe de (R), et enfin une démonstration de (G) par récurrence sur n.

Admettons (R). Soit a ∈ [0,1]n une liste m-compatible. On prend une base orthonormée (ε1,n) de E adaptée à (a,V ). On choisit une base orthonormée (f1,,fm) de V , que l’on complète en une base orthonormée (f1,,fn) de E. La matrice U de passage de (f1,,fn) à (ε1,n) est alors orthogonale et vérifie

∑m       ∑m
   u2i,j =   (fi | εj)2 = ∥πV (εj)∥2 = aj
 i=1      i=1
pour tout j ∈ [ [ 1, n]] . Ainsi, (G) est vraie.

Admettons (G), et supposons (ii). La liste a ∈ Rn de terme général

     -----m-----
ai := d2i ∑nj=1 d-j2
est alors m-compatible. On prend une matrice U ∈ On(R) adaptée à (a,m). Alors U est la matrice de passage d’une certaine base orthonormée (f1,,fn) de E à (eʹ1,,eʹn). Posons V ʹ := V ect (f1 , ,fm), qui est de dimension m : le fait que U soit adaptée à (a,m) se traduit par j ∈ [ [ 1, n]] , πV ʹ (eʹj)2 = ai, donc
∀i ∈ [[1,n]],∥πVʹ(ei)∥2 = d2iai = ∑n-m--2,
                             j=1dj
norme qui ne dépend pas de i. Ainsi, (i) est vraie.

Démonstration directe de (R), par le comité de rédaction
On notera plus simplement p la projection orthogonale sur V .

Commençons par le cas particulier d’une liste m-compatible a ∈{0,1}n (nous dirons que a est extrémale). L’ensemble I := {i ∈ [ [1,n]] : ai = 1} est alors de cardinal m, et on peut le noter {i1 , , im }. On peut alors simplement se donner une base orthonormée (f1,,fm) de V et la compléter en une base orthonormée (ε1,n) de E eik = fk pour tout k ∈ [ [1,m]] ; cette dernière base est alors clairement adaptée à (a,V ).

Nous mettons ensuite en évidence un procédé élémentaire pour construire une liste V -représentable à l’aide d’une autre. Soit a ∈ [0,1]n une liste V -représentable. Donnons-nous une base orthonormée (ε1 , n) de E adaptée à (a,V ). Soit i < j dans [ [1,n]]. Fixons θ ∈ R et considérons la liste (ε(θ)1,(θn)) de vecteurs définie par ε(kθ) = εk si k ∈{i,j}, ε(iθ) = (cosθ)i + (sinθ)j et ε(θ)j = -(sinθ)i + (cosθ)j. On vérifie facilement qu’elle est orthonormée.

En outre p(ε(θ)
k)2 = p(ε k)2 pour tout k ∈ [ [1,n]] \{i,j}, tandis que, par linéarité de p,

   (θ) 2       2        2
∥p(εi )∥  = aicos θ+ ajsin θ + (p(εi) | p(εj)) sin(2θ)
et
∥p(ε(jθ))∥2 = aisin2θ+ ajcos2θ - (p(εi) | p(εj)) sin(2θ).
Le théorème des valeurs intermédiaires appliqué sur [  π]
 0,2 permet donc de voir que pour tout réel x compris entre ai et aj, le réel θ peut-être ajusté de telle sorte que p(ε(θ)
i)2 = x, auquel cas p(ε(θ)j)2 = a i + aj - x.

Ce qui précède motive la définition suivante : étant donné deux listes m-compatibles a ∈ [0, 1]n et b ∈ [0,1]n, b est dite adjacente à a, et on note a b, lorsqu’il existe deux indices i < j dans {1,,n} tels que bk = ak pour tout k ∈ [ [1,n]] \{i,j}, et bi et bj soient compris entre ai et aj. Dans ce cas, la condition de m-compatibilité force bi + bj = ai + aj , et la construction précédente montre donc que si a est V -représentable alors b l’est aussi.

Soit maintenant b ∈ [0,1]n une liste m-compatible mais non-extrémale. La condition de m-compatibilité impose qu’au moins deux de ses composantes soient dans ]0,1[, mettons 0 < bi < 1 et 0 < bj < 1 i < j. On construit alors une liste m-compatible a comme suit : on pose ak := bk pour tout k ∈ [ [1,n]] \{i,j}, et par ailleurs :

  • si bi + bj 1, on pose ai := bi + bj et aj := 0 ;
  • sinon on pose ai := 1 et aj := bi + bj - 1.

Dans tous les cas, il est clair que a b. En outre, a possède strictement plus de termes dans {0,1} que b.

Concluons : partant d’une liste m-compatible b ∈ [0,1]n, le procédé précédent permet de construire, de proche en proche, une chaîne b(l) b(l-1) ⋅⋅⋅b(1) b(0) = b de n-listes m-compatibles où b(l) est extrémale. Par suite, b(l) est V -représentable, donc par récurrence descendante b(i) est V -représentable pour tout i ∈ [ [0,l]], et en particulier b est V -représentable.

Démonstration par récurrence de (G), par Ivan Gozard
On introduit plus généralement

(Hn ) : Pour tout m ∈ [ [1,n]] et toute liste m-compatible a ∈ [0,1]n, il existe une matrice de On (R ) qui soit adaptée à (a,m).  

La propriété H1 est trivialement vraie (il suffit de prendre U = I1). Soit n 2 tel que Hn-1 soit vraie. Soit m ∈ [ [ 1,n]].

Nous distinguons deux cas :

  • Cas où m n2
    Soit a ∈ [0,1]n une liste m-compatible. S’il existe, pour une certaine permutation σ de [ [ 1, n]] , une matrice U qui soit adaptée à (aσ,m) aσ := (aσ(j))1jn, alors la matrice (ui,σ-1(j))1i,jn reste orthogonale et elle est adaptée à (a,m). On ne perd donc pas de généralité à supposer a décroissante, ce que l’on fera désormais.

    Notons ensuite que   ∑

1≤i,j≤n(ai + aj) = 2 ∑

1≤i,j≤nai = 2nm tandis que

    ∑

1≤i,j≤n(ai + aj) = 2m + ∑

i⁄=j(ai + aj), donc ∑

i⁄=j(ai + aj) = 2(n - 1)m.

    Puisque cette dernière somme possède n(n - 1) termes et que son terme minimal est an + an-1 , il vient

               2m
an + an-1 ≤---≤ 1.
            n

    En particulier m n - 1, et la (n - 1)-liste b := (a1,,an-2,an-1 + an) est m-compatible. L’hypothèse Hn-1 fournit alors une matrice Uʹ ∈ On-1(R) adaptée à (b, m). Prenons un θ ∈ R arbitraire et introduisons Rθ := (cosθ  - sinθ)
 sin θ  cosθ ∈ O2 (R ). La matrice produit

         (     ) (        )
U :=  U ʹ 0   In-2   0
       0  1     0   R θ
    et alors produit de deux matrices qui sont clairement orthogonales, donc elle est orthogonale. Notons U la matrice obtenue en supprimant de U sa dernière ligne, et C1 , , Cn-1 les colonnes de Uʹ. On observe alors que
    --  (                                     )
U =  C1  ⋅⋅⋅  Cn-2  (cos θ).Cn-1  (sinθ).Cn-1 .
    Il vient donc, pour tout j ∈ [ [1,n]],
            (
m∑       |{ aj              sij < n- 1
   u2i,j = | (an- 1 + an)cos2 θ sij = n- 1
i=1      ( (an- 1 + an)sin2θ sij = n.
    La conclusion s’obtient alors en ajustant θ de telle sorte que an-1 = (an-1+an)cos2θ et an = (an-1 + an)sin2θ, ce qui est bien sûr possible.
  • Cas où m > n
2
    Alors, n - m < n
2, et on se réduit au cas précédent en considérant (b1,,bn) := (1-a1 , , 1-an), qui est évidemment (n-m)-compatible. On prend alors une matrice Uʹ ∈ On (R) adaptée à (b,n-m), dont on note Lʹ1,,Lʹn les lignes. La matrice U de lignes Lʹn-m+1,,Lʹn,Lʹ1,,Lʹn-m est alors orthogonale (ses lignes forment une base orthonormée de M1,n(R)) ; comme la norme de toute colonne de U vaut 1, on obtient, pour tout j ∈ [ [1,n]],
    m              n             n-m
∑ (u  )2 = 1- ∑   (u  )2 = 1- ∑  (uʹ)2 = 1- b = a .
i=1  i,j       i=m+1  i,j        i=1   i,j        j   j
    Ainsi U est adaptée à (a,m).

Ainsi, Hn est établie. On en déduit l’implication (ii) (i), comme on l’a vu plus tôt.


[Liste des corrigés]