Nous dirons qu’une suite (vn)nN de vecteurs de R2 est adaptée à (A,B) lorsque vn+1 {Avn,Bvn} pour tout n N . Nous distinguons deux cas :
Cas 1 : A et B ont chacune une valeur propre double, respectivement notées λ et μ.
On a donc λ2 = detA > 1 et μ2 = detB > 1, donc |λ| > 1 et |μ| > 1. Supposons
d’abord que Ker (A - λI2) soit de dimension 1, et prenons-en un vecteur x non nul.
Comme A et B commutent, Ker(A - λI2) est stable par B, d’où Bx = μx. Posons
α := min (|λ|, |μ|) > 1. On obtient alors que toute suite v adaptée à (A,B) et telle que v0 = x a ses
termes dans V ect(x) et vérifie ∥vn∥≥ αn∥x∥ pour tout n N. Aucune de ces suites
n’est donc bornée. Le cas où B est non-scalaire se traite de manière similaire. Si enfin A
et B sont toutes deux scalaires, il suffit évidemment de partir d’un vecteur non nul v0
arbitraire.
Cas 2 : l’une des matrices A et B a deux valeurs propres complexes distinctes. Par symétrie de la situation, on peut supposer qu’il s’agit de A. Diagonalisons A = PDP-1 où D est diagonale à valeurs diagonales distinctes. Alors B = PDʹP-1. De la commutation de A et B, on déduit facilement celle de D et Dʹ, il vient que Dʹ est diagonale en utilisant le fait que les coefficients diagonaux de D sont différents.
Les sous-espaces propres de A dans R2 sont de dimension 1, et il y en a au plus deux. On peut donc choisir x R 2 \ {0} qui ne soit pas vecteur propre pour A.
Considérons une suite (vn)nN adaptée à (A,B) telle que v0 = x. Notons an,bn les coefficients de P-1 vn . Soit n N. Ou bien (an+1,bn+1) = (λan,μbn), ou bien (an+1,bn+1) = (λʹan,μʹbn), où λ, μ (respectivement, λʹ,μʹ) désigne les coefficients diagonaux de D (respectivement, de Dʹ). Ainsi an+1 bn+1 = (detA)anbn ou an+1bn+1 = (detB)anbn. Dans tous les cas, en notant α := min (det A, detB), on a |anbn|≥ αn|a0b0| pour tout n N. En outre, comme x n’est pas vecteur propre de A, le vecteur P-1x n’est pas vecteur propre de D, si bien que a0b0≠0. Par suite (an bn )n n’est pas bornée.
Si v était bornée la suite (P-1vn)nN serait bornée dans C2 (car y C2P-1y est linéaire continue), et en prenant une borne M de cette suite au sens de la norme infinie, on aurait l’inégalité |an bn | ≤ M2 pour tout n N. Ainsi, v n’est pas bornée.
Donnons pour finir un contre-exemple dans la situation où A et B ne sont plus censées commuter. Posons A := Diag(2-1⁄2,2), B := ρR où ρ > 1 et l’entier N ≥ 3 seront ajustés ultérieurement. On rappelle la notation R(θ) := lorsque θ désigne un réel.
Clairement det A = > 1 et detB = ρ2 > 1. Notons D l’ensemble des couples (a, b) R 2 \ {0} tels que a + ib ait un argument dans . Partons d’un vecteur arbitraire v0 R 2 \ {0} et construisons (vn)nN = (an,bn)nN par récurrence comme suit : pour tout n N , si vn D on pose vn+1 := Avn, sinon on pose vn+1 := Bvn. Dans le second cas, on a ∥vn+1 ∥2 = ρ∥vn ∥2 ; dans le premier on a |bn|≤|sin(π⁄N)|∥vn∥2 et |an|≤∥vn∥2 donc
Soit n X et m son successeur dans X. Alors vm = Bm-n-1Avn ; les calculs précédents montrent alors que ∥vm∥2 ≤ ρm-n-1δ∥vn∥2 ≤ ρN-1δ∥vn∥2 ≤∥vn∥2 car m-n ≤ N. Ainsi, la famille (vn )nX est bornée pour ∥-∥2 par M := ∥vminX∥2.
Soit enfin n N \X. Si n < minX alors n < N donc vn = Bnv0 et ∥vn∥2 = ρn∥v0∥2 ≤ ρN-1∥v0∥2. Sinon, on note p = max{k X : k < n}, alors n - p < N et vn = Bn-p-1Avp donc ∥vn ∥2 = ρn-p-1 δ∥vp∥2 ≤ ρN-1δM ≤ M. Ainsi, (vn)n est bornée, ce qui achève la démonstration.