24. Soient n 2 un entier, a et b deux éléments distincts de {1,,n}, Ga,b le sous-groupe de Sn engendré par la transposition τa,b et le cycle c := (12⋅⋅⋅n). À quelle condition a-t-on Ga,b = Sn  ?

Solution d’après Ivan Gozard

Nous allons montrer que Ga,b = Sn si et seulement si n et m := b - a sont premiers entre eux. Supposons, sans perte de généralité, a < b.

Montrons d’abord le caractère nécessaire de cette condition. Supposons que n et m aient un diviseur commun d > 1 (nécessairement d m < n). Pour i ∈ [ [1,d]], posons

     {              n}
Ai := i+ kd | 0 ≤ k < d ⊂ {1,...,n}.
Comme d divise b - a, les entiers a et b ont même reste r modulo d, donc ils appartiennent tous deux à Ar si r 0 et tous deux à Ad si r = 0. Il s’ensuit que τa,b(Ai) = Ai pour tout i ∈ [ [1,d]]. Par ailleurs c(Ai ) = Ai+1 pour tout i ∈ [ [1,d - 1]], et enfin c(Ad) = A1 (le fait que d divise n implique en effet que n ∈ Ad). Les permutations τa,b et c appartiennent donc à l’ensemble G des permutations σ ∈Sn pour lesquelles il existe une permutation σʹ∈Sd telle que i ∈ [ [ 1, d]],σ(Ai) = Aσʹ(i). Or on vérifie facilement que G est un sous-groupe de Sn  ; par ailleurs GSn car τ1,2 n’est pas dans G (en effet, τ1,2 envoie 1 dans A2 et d + 1 dans A1 , alors que 1 et d + 1 appartiennent tous deux à A1). On conclut que Ga,b Sn .

Dans la suite, nous supposons n m = 1 et démontrons qu’alors Ga,b = Sn.

Commençons par citer un lemme technique classique dont la démonstration est élémentaire : pour tous ensembles X et Y , toute bijection σ : X Y et tous i,j distincts dans X, l’identité σ τi,j σ-1 = τσ(i)(j) est satisfaite.

Poursuivons par un autre résultat classique : le groupe Sn est engendré par l’ensemble des transpositions de la forme τi,i+1i ∈ [ [1,n- 1]]. Soit en effet G un sous-groupe de Sn contenant toutes ces transpositions. Pour tous i < j dans [ [1,n]], on voit en particulier que Sn contient le cycle ci,j := (ii + 1⋅⋅⋅j - 1j) = τi,i+1 ⋅⋅⋅τj-1,j. Pour tous i,j dans [ [1,n]] tels que i < j - 1, le lemme technique rappelé plus haut assure que H contient la transposition τi,j = c-1
i+1,j τi,i+1 ci+1,j. Ainsi, le sous-groupe H contient toutes les transpositions de [ [1,n]], si bien que H = Sn .

On notera désormais K = Ga,b. Pour simplifier la démonstration, nous allons manipuler le groupe des permutations de Z⁄nZ. On introduit la bijection canonique k ∈{1,,n}↦→k ∈ Z⁄nZ, qui induit un isomorphisme de groupes Π : σ ∈Sn↦→π σ π-1 ∈S(Z⁄nZ). Grâce à cet isomorphisme, on voit que S(Z⁄nZ) est engendré par les transpositions de la forme τx,x+1, où x ∈ Z ⁄nZ . Pour x ∈ Z⁄nZ et k ∈ Z, on notera plus simplement x + k := x + k.

Posons c := Π(c) et τ := Π(τa,b), et K := Π(K). Ce dernier est donc un sous-groupe de S(Z⁄nZ) contenant c et τa,b = τa,b. On observe que c : x↦→x + 1, si bien que ck : x↦→x + k pour tout k ∈ Z (récurrence immédiate). Le sous-groupe K contient donc cm τa,b c-m = τa+m,b+m. En poursuivant par récurrence, on trouve que K contient τa+km,a+(k+1)m pour tout k ∈ Z .

Comme m et n sont premiers entre eux, m est inversible modulo n. Il s’ensuit que φ : x↦→a + m.x est une permutation de Z⁄nZ. L’application

Φ : σ ∈ S(Z⁄nZ) ↦→ φ •f •φ- 1 ∈ S(Z⁄nZ)
est alors un automorphisme du groupe S(Z⁄nZ). On note que τa+mx,a+mx+m = Φ(τx,x+1) pour tout x ∈ Z ⁄nZ . Le sous-groupe Φ-1(K) de S(Z⁄nZ) contient donc toutes les transpositions τx,x+1x ∈ Z ⁄nZ . Il vient Φ-1(K) = S(Z⁄nZ) puis, en appliquant les isomorphismes Φ et Π-1, on trouve successivement K = S(Z⁄nZ) et K = Sn, ce qui achève la démonstration.


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