[Questions-Reponses]

R917. Soit a un entier strictement positif. On note Ua le polynôme X4 -aX - 1. On note α la racine réelle positive de Ua.

Quelles sont les valeurs de a pour lesquelles α est constructible à la règle et au compas ? (Alain Tissier)

Réponse composée de celles de Guy Alarcon, Alain Rémondière et Alain Tissier

On montrera que si une des racines de Ua est constructible à la règle et au compas alors a = 4. Réciproquement les racines du polynôme X4 - 4X - 1 sont constructibles à la règle et au compas ; ce sont ε1√--
 2 + εʹ•-------
 ε√2-- 1
       2ε et εʹ prennent les valeurs 1 ou - 1.

L’étude des variations de Ua montre que ses racines sont distinctes ; ce sont deux réels α et β tels que - 1 < β < 0 < 1 < α et des complexes conjugués non réels ω et ω.

On suppose que l’une des racines, z, de Ua est constructible à la règle et au compas. On montre d’abord qu’il existe un entier positif n tel que

n3 + 4n = a2
(1)

On utilise une propriété classique des polynômes unitaires non constants à coefficients entiers. Soit P un tel polynôme ; tout polynôme unitaire à coefficients rationnels divisant P dans Q[X] est à coefficients entiers. Ainsi P est irréductible dans Q[X] si et seulement si il n’existe pas deux polynômes unitaires à coefficients entiers non constants dont P est le produit.

Montrons d’abord que Ua est irréductible dans Q[X]. Comme Ua est unitaire à coefficients entiers, il suffit de prouver qu’il n’existe pas A et B unitaires non constants à coefficients entiers tels que AB = Ua .

Supposons Ua = (X + t)(X3 + uX2 + vX + w) t,u,v,w sont entiers, alors tw = 1 ; t = ±1 ; ceci impose 1 ou - 1 comme racine de Ua, ce qui n’est pas.

Supposons Ua = (X2 + tX + u)(X2 + vX + w) t,u,v,w sont entiers, alors v = -t ; uw = -1 donc u = ±1 et w = -u ; w + u + tv = 0 donc t2 = 0 et t = 0 ; finalement Ua = X4 - 1, ce qui n’est pas puisque a n’est pas nul.

Soit des corps K1 ,K2,K3 tels que K1 K2 K3 ; on note classiquement (K2 : K1) la dimension de K2 en tant qu’espace vectoriel sur K1. On utilisera plusieurs fois :

(K3 : K1 ) = (K3 : K2)(K2 : K1).

Comme Ua est irréductible sur Q, il est le polynôme minimal de z sur Q, donc le corps Q(z) vérifie : (Q (z) : Q) = 4. Comme z est constructible à la règle et au compas, il existe une chaîne croissante de sous-corps de C : K0 = Q K1 K2 ⋅⋅⋅Km telle que

z ∈ Km  ; z⁄∈Km-1 ; (Kj : Kj-1) = 2 pour j = 1,2,.

Par récurrence facile (Kj : Q) = 2j.

Nécessairement Km = Km-1(z). Le polynôme minimal unitaire V de z sur Km-1 est un diviseur de Ua dans Km-1 et il est de degré deux. Donc V = X2 + tX + u t et u sont des éléments de Km-1 . Dans Km-1[X], Ua se décompose : Ua = V W où, après identification, W = X2 - tX -1
u.

De plus :

u - 1u = t2 ; t(u + 1u) = a,

on en tire :

     3
u = t-+-a,
      2t

puis :

t6 +4t2 = a2.

Les formules précédentes montrent que V est à coefficients dans le corps Q(t). De plus z n’est pas dans Km-1  ; V est donc le polynôme minimal de z sur Q(t).

Le polynôme minimal unitaire de t sur Q est un diviseur Q de P = X6 + 4X2 -a2. Le degré de Q est (Q (t) : Q ). D’autre part Q(t) est un sous-corps de Km-1 ; comme

(Km-1 : Q (t))(Q(t) : Q) = 2m-1,

(Q (t) : Q ) est une puissance de 2 au plus égale à 6. Le degré de Q est donc 1, 2 ou 4. Donc P est réductible sur Q .

Montrons d’abord que P n’a aucune racine entière. Raisonnons par l’absurde. Soit un entier b tel que P(b) = 0 ; clairement b n’est pas nul et comme b est pair, on peut supposer b > 0. Alors (b4 + 4)b2 = a2  ; donc b divise a ; ainsi a = bc c ∈ N* ; puis

c2 - b4 = 4, (c + b2)(c - b2) = 4, c + b2 = 4 et c - b2 = 1, 2b2 = 3 : impossible.

Ainsi P n’a aucun facteur irréductible de degré un.

Si Q est de degré quatre alors le quotient de P par Q est un facteur irréductible de degré deux. Donc P possède un facteur irréductible R de degré deux, R = X2 + bX + c b et c sont entiers. Si b = 0 alors l’entier n = -c vérifie (). Sinon R(-X) = X2 - bX + c est un autre facteur irréductible de P (puisque P est pair) et P(X) = R(X)R(-X)S(X) S(X) = X2 + d, d entier. L’entier n = -d vérifie ().

On vient d’établir que si l’une des racines de Ua est constructible alors il existe un entier n vérifiant ().

Montrons à présent que () ne peut être satisfaite que si a = 4, n étant alors égal à 2.

Soit n un entier vérifiant (). D’abord n n’est pas un carré car on a vu que P n’a pas de racine entière. Le PGCD de n et de n2 + 4 est 1, 2 ou 4.

Si ce PGCD est 1 alors n et n2 + 4 sont premiers entre eux et leur produit est un carré, donc ce sont tous deux des carrés ; impossible car n n’est pas un carré.

Si ce PGCD est 4 alors n = 4nʹ pour un certain entier nʹ > 0 et a = 4aʹ pour un certain aʹ > 0 ; puis nʹ(1 + 4nʹ2 ) = aʹ2 ; nʹ et 1 + 4nʹ2 sont premiers entre eux ; nʹ est un carré et n aussi ; impossible.

Donc le PGCD de n et de n2 + 4 est 2. Il en résulte que n = 2q q est un entier impair et que a = 4b b est entier. L’équation () devient :

q(q2 + 1) = 2b2 .

Les entiers q et (q2 + 1)2 sont premiers entre eux et sont des carrés :

q = r2  ; q2 + 1 = 2s2 ; b = rs.

Finalement il existe des entiers r et s tels que

(  a    =   4rs
{  n    =   2r2
(r4 +1  =   2s2

On va montrer à présent que l’équation

r4 + 1 = 2s2
(2)

n’a pas d’autre solution dans N2 que r = 1 et s = 1. Si (r,s) est solution de () alors

(r4 - 1)2 = 4(s4 - r4)

donc (r4 - 1)2 est pair. Posons t = r4-1
  2 ; alors t, r et s vérifient

s4 - r4 = t2.
(3)

La preuve sera complète quand on aura montré que () n’est satisfaite par aucun triplet d’entiers naturels tous non nuls.

On raisonne par l’absurde en considérant une solution (s,r,t) telle que s est minimal ; nécessairement (s,r,t) sont deux à deux premiers entre eux. On a : (r2)2 + t2 = (s2)2 ; ainsi (r2 , t, s2 ) est un triangle pythagoricien.

1.
si r est pair (donc t est impair). On sait qu’il existe u,v ∈ N*, u pair et v impair tels que

u v = 1 et r2 = 2uv, t = ε(u2 - v2), s2 = u2 + v2, où ε = ±1.

Comme s2 = u2 + v2, il existe x,y ∈ N* de parités différentes tels que x y = 1 et u = 2xy, v = x2 - y2, s = x2 + y2. Alors

r2 = 2uv = 4xy(x2 - y2), donc (r-)
  22 = xy(x2 - y2).

Comme x et y sont premiers entre eux, x(x2 -y2) = 1 et y (x2 -y2) = 1, donc x,y et x2 - y2 sont des carrés parfaits. Il existe donc λ,μ,ν ∈ N* tels que :

x = λ2 , y = μ2 et x2 - y2 = ν2.

Alors ν2 = λ4 - μ4. Le triplet (μ,λ,ν) ∈(N *)3 est solution de (). De plus on a λ4 = x2 < x2 + y2 = s s4, d’où λ < s , ce qui contredit le caractère minimal de s.

2.
si r est impair (donc t est pair). Il existe u,v ∈ N* tels que : r2 = u2 - v2 , t = 2uv et s2 = u2 + v2. Alors (rs)2 = u4 - v4. Le triplet (v,u,rs) ∈  *
(N  )3 est une solution de () vérifiant u2 < u2 + v2 = s2, donc u < s, ce qui contredit le caractère minimal de v.

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