339. On note G le groupe des bijections affines du C-espace vectoriel C dans lui-même.

a) Montrer que G est isomorphe au groupe des matrices de la forme (  a b )
   0 1 où (a, b) ∈ C * × C .

b) Pour g ∈ G, on note (ag,bg) l’unique couple de complexes tel que g : z↦→agz + bg. À quelle condition sur (ag ,bg) l’application g admet-elle un unique point fixe ?

c) Soit (g1 , g2 , g3) ∈ G3. On pose h = g31g32g 33. Calculer ah et bh en fonction des agi et bgi .

d) On admet que si ag1ag2ag3 = j et si ag1,ag2,ag3 sont tous distincts de j, alors

bh = -j2 a2g1ag2 (ag1 - j)(ag2 - j)(ag3 - j)(α + βj + γj2),

où α, β, γ désignent les points fixes respectifs de g2g3, g3g1 et g1g2.

On se donne un triangle direct ABC du plan complexe. On note respectivement a,b,c les mesures principales des angles orientés (--A→B,-A→C), (--B→C,--B→A) et (-C→A,-C-→B). On note α l’unique point tel que b
3 soit une mesure de (--→
BC,-→
B α) et c
3 soit une mesure de (-→
Cα,--→
CB) ; β l’unique point tel que a
3 soit une mesure de (-A→β,-A→C) et c
3 soit une mesure de (-C→A,-→Cβ) ; γ l’unique point tel que a
3 soit une mesure de (--→
AB,-→
A γ) et b
3 soit une mesure de (-→Bγ,--→BA). Montrer que le triangle αβγ est équilatéral. On appliquera ce qui précède en prenant pour g1 (resp. g2 , g3 ) la rotation de centre A (resp. B, C) et d’angle de mesure 2a3 (resp. 2b
3, 2c
3).

a) Tout élément de G est une application de C dans C de la forme z↦→az + b (a,b) ∈ C*× C. Notons H l’ensemble des matrices de la forme (    )
 a  b
 0  1(a,b) ∈ C*× C et ϕ l’application de G dans H associant à g : z↦→az + b la matrice Ag = (    )
  a  b
  0 1 . L’application ϕ est clairement une bijection. Soient g,h ∈ G et a,α ∈ C*, b,β ∈ C tels que :

z ∈ C , g(z) = az + b et h(z) = αz + β. On a (en écrivant gh pour g h),

gh : z↦→ a(αz + β) + b = ()z + + b, donc gh est associée au couple (aα,aβ +b),

et ()
ab
01( )
αβ
01 = (          )
  aα  aβ + b
  0     1 , donc ϕ(gh) = ϕ(g)ϕ(h). Il en résulte que (H,.) est un groupe isomorphe à (G,.).

b) Soit z ∈ C  ; z est un point fixe de g si et seulement si agz + bb = z, ce qui équivaut à (1 - ag )z = bg .

Si ag 1, g a pour unique point fixe le point 1b-gag

Si ag = 1 et bg 0, g n’a pas de point fixe.

Si ag = 1 et bg = 0, g = idC et g possède une infinité de points fixes.

Donc g possède un unique point fixe si et seulement si ag1.

c) On a ()
ahbh
01 = (       )
 ag1  bg1
  0    13(        )
  ag2  bg2
   0   13(        )
  ag3 bg3
   0   13. En effectuant les produits de matrices, on obtient :

{a=(aa a  )3
hg1(2g2g3   )      3 ( 2         )           3( 2         )
bh=ag1+ ag1 + 1 bg1 + ag1 ag2 + ag2 + 1 bg2 + (ag1ag2) ag3 + ag3 + 1 bg3.

Le j dont il est fait référence dans cette question est évidemment e2iπ
3

Supposons que ag1ag2ag3 = j et ag1,ag2,ag3 tous distincts de j, alors ag2g3 = ag2ag31, ag3 g1 = ag3 ag1 1 et ag1g2 = ag1ag21 et d’après b), g2g3, g3g1 et g1g2 possède chacun un unique point fixe noté respectivement α,β,γ. De plus,

bh = -j2 a2
g1ag2 (ag1 - j)(ag2 - j)(ag3 - j)(α + βj + γj2).

La vérification de cette formule (que le texte invite à admettre) est directe quoiqu’un peu lourde et repose sur les remarques : j = ag1ag2ag3 , j3 = 1, 1 + j + j2 = 0

et (ag1-j) (ag2- j)(ag3 - j) = j(1 - ag2ag3) (1- ag3ag1)(1 - ag1ag2).

Les deux assertions suivantes sont équivalentes :

  • g31g32g33 = idC.
  • α + βj + γj2 = 0.

En effet, si g1 , g2 ,g3 vérifient i), bh = 0 et il résulte des hypothèses que le facteur de bh, - j2 a2
g1ag2 (ag1 - j)(ag2 - j)(ag3 - j) est non nul, donc α + βj + γj2 = 0, ce qui prouve ii).

Réciproquement, supposons l’énoncé ii) vérifié. Alors bh = 0, et comme ah = j3 = 1, h = idC, ce qui prouve i).

Dans ce qui suit, on confond tout point du plan complexe avec son affixe et toute transformation du plan avec l’application de C dans C associée. Ici g1 (resp. g2,g3) est la rotation de centre A (resp. B, C) et d’angle de mesure 23a (resp. 2b3,23c). Rappelons qu’une rotation du plan complexe est associée à une application affine g : C C, z↦→αz + β α ∈ U et β ∈ C. Notons s1,s2,s3 les réflexions d’axes respectifs (BC), CA) et (AB).

g31 est la rotation de centre A d’angle de mesure 2a, donc g1 = s2s3 et de même g32 = s3s1, g33 = s1 s2 . Alors g31g32g33 = s2s3s3s1s1s2 = idC. De plus, g1g2g3 est un déplacement d’angle 23(a + b + c) = 2π3, donc ag1ag2ag3 = j. Les applications g1g2, g2g3 et g3g1 sont des déplacements dont l’angle a une mesure principale appartenant à ]   [
0, 2π3-, donc ag1,ag2,ag3 sont tous distincts de j.

Notons s et s les réflexions d’axes respectifs () et () et remarquons que g2 = ss1 et g3 = s1 s . Alors g2g3 = ss1s1s = ss, donc g2g3 a pour point invariant α (ce point est unique). De même g3g1 a pour unique point fixe β et g1g2 a pour unique point fixe γ. L’équivalence entre i) et ii) montre que α + βj + γj2 = 0, ce qui indique que le triangle αβγ est équilatéral de sens direct.

PIC

Remarque. Le résultat géométrique obtenu en d) est le théorème de Morley (1898).

La démonstration de ce théorème proposée dans l’exercice s’inspire de l’article d’Alain Connes, A new proof of Morley’s theorem, Publications mathématiques de l’I.H.É.S, tome S88 (1998), p. 43-46. Cette démonstration très algébrique étudiant le groupe des transformations affines de la droite permet d’étendre le résultat à tout corps (commutatif) de caractéristique différente de 3.
[Liste des corrigés]