144. Soit n ∈ N *. On définit la matrice aléatoire Mn = (Xi,j)1i,j,n), où les Xi,j sont des variables de Rademacher indépendantes, P(Xi,j = 1) = P(Xi,j = -1) = 12.

a) Calculer E(det(Mn)) et V (det(Mn)).

b) Que dire des lois de det(Mn) et - det(Mn) ?

c) Soit A dans Mn(R) ; on pose Y = t A A. Montrer : detY ∏n

i=1Y i,i.

d) Montrer qu’il existe a ∈]0,1[ tel que, quand n +, P(|detMn| = nn⁄2) = O(an).

e) Soit ε > 0. Que dire de P(|detMn|nn⁄2-ε) ?

Solution de Arnaud Bégyn

a) Par linéarité de l’espérance et indépendance des variables Xi,j,

      ∑          n∏          ∑          ∏n
E(det(Mn))= E (   (- 1)ε(σ)  Xi,σ(i)) =    (- 1)ε(σ)  E(Xi,σ(i)) = 0
      σ∈Sn        i=1         σ∈Sn       i=1
puisque les variables Xi,j sont centrées.

Toujours par linéarité de l’espérance,

                                  (                  )
          2     ∑        ε(σ)+ε(σʹ)   ∏n      ∏n
V(det(Mn))=E(det(Mn ) ) =       (- 1)      E (    Xi,σ(i)   Xj,σʹ(j)) .
              (σ,σʹ)∈S2n               i=1      j=1

Si σ et σʹ désignent des permutations distinctes, on peut supposer sans perte de généralité que σ(1) σʹ(1). Alors, comme la variable X1(1) est indépendante de  n
∏
i=2Xi,σ(i) n
∏
j=1Xj,σʹ(j), on observe

(            )              (                  )
n∏   ∏n                       ∏n       ∏n
E(Xi,σ(i)   Xj,σʹ(j)) = E (X1,σ(1))E (   Xi,σ(i)   Xj,σʹ(j)) = 0.
i=1   j=1                      i=2      j=1
Ainsi,
                   ( n      )
V (det(Mn )) = ∑   E  ∏  X2     =  ∑  1 = n!.
             σ∈Sn   i=1  i,σ(i)   σ∈Sn

b) Les variables X1,j et - X1,j sont de même loi. Par conséquent, les lois jointes des familles (Xi,j )i,j et ((-1)δi,1Xi,j)i,j sont identiques car les variables sont mutuellement indépendantes dans les deux cas. Ainsi, les variables det(Mn) et - det(Mn) associées au déterminant de chacune de ces familles sont de même loi.

c) Si la matrice A n’est pas inversible, alors det(Y ) = 0 et l’inégalité est évidente car les coefficients Y i,i sont positifs comme sommes de carrés. Sinon, notons B la base canonique de Mn (R ) puis appliquons le procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt aux vecteurs colonnes A1 , , An de A afin d’obtenir une nouvelle base orthonormée Bʹ = (X1,,Xn) de Mn(R). Alors

                            n
detA = detmatB ʹ(A1,...,An) = ∏ ⟨Ai|Xi⟩,
                           i=1

et donc

       ∏n          ∏n         ∏n
detY =   ⟨Ai|Xi⟩2 ≤   ⟨Ai|Ai⟩ =   Yi,i.
       i=1         i=1        i=1

On remarque qu’il y a égalité si, et seulement si, l’une des colonnes de A est nulle ou si les colonnes forment une famille orthogonale libre.

d) Remarquons tout d’abord que

              n⁄2            2    n
P (|det(Mn)| = n  ) = P (det(Mn ) = n ).
L’inégalité de Hadamard démontrée à la question précédente avec A = Mn donne ici
             (       )
       2   n∏   ∑n   2      n
det(Mn)  ≤        X i,j = n  .
           j=1  i=1
L’événement [det (Mn)2 = nn] correspond au cas d’égalité. Comme les coefficients de Mn sont égaux à 1 ou - 1 donc non nuls, cela revient à dire que les colonnes de Mn sont deux à deux orthogonales. Ainsi,
           [ n            ]       [ n              ]
[det(M)2= nn] = ⋂  ∑  M   M   = 0  ⊂  ⋂   ∑  M   M     = 0 .
n       i<j k=1  k,i  k,j       ipair k=1  k,i  k,i+1
Donc, par indépendance (des couples de colonnes),
                        (  n              )
P (det(M  )2 = nn) ≤ ∏  P   ∑  M  M      = 0  .
        n         ipair    k=1   k,i k,i+1
On remarque alors que 1+Mk,i2Mk,i+1- suit la loi de Bernoulli B(12) puis, par indépendance, n
2+ 1
2n∑

k=1Mk,iMk,i+1 suit une loi binomiale B(n,12).

Si n est impair, P(|det(Mn)| = nn⁄2) = 0.

Si n est pair,

                    ( (   )   )⌊n⁄2⌋
P (|det(M )| = nn⁄2) ≤   n   1-      .
        n              n⁄2  2n
La formule de Stirling assure que lim npair n+(n  )
 n⁄2 1
2n = limn+√2--
√nπ = 0.

Pour tout C ∈]0, 1[, on a, pour n assez grand, (  )
nn⁄221n C. Donc,

              n⁄2     (  ⌊n⁄2⌋)
P(|det(Mn )| = n  ) = O C      .
En conclusion, pour tout a ∈]0,1[,
P (|det(Mn )| = nn⁄2) = O (an).
Ce résultat est plus fort que ce qui est demandé dans l’énoncé.

e) La question ouverte est relativement imprécise…Comme det(Mn) est centrée, l’inégalité de Bienaymé-Tchebychev donne, pour tout ε > 0,

              n⁄2-ε   --n!-
P (|det(Mn )| ≥ n    ) ≤ nn -2ε.
Avec la formule de Stirling,
               n⁄2-ε     (  1⁄2+2ε -n)
P (|det(Mn )| ≥ n    ) = O n      e
où la constante du O ne dépend pas de ε.
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