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Agrégation Interne de Mathématiques

Première preuve 2017

7037Racine carrée d’une matrice complexe

xistence et unicité pour une matrice carrée complexe A sans valeur propre réelle négative de √ --
  A, racine carrée de A dont toute valeur propre est de partie réelle strictement positive. Preuve d’appartenance de √--
 A à l’algèbre de A. Mise en place d’une méthode itérative de calcul de √ --
  A. Projection orthogonale d’une matrice carrée réelle sur le groupe orthogonal, d’une matrice carrée complexe sur le groupe unitaire.

Préambule : notations et rappels

On désigne par N l’ensemble des entiers naturels. On désigne par R le corps des nombres réels, C le corps des nombres complexes et K l’un de ces deux corps lorsqu’on ne souhaite pas le préciser.

On désigne par R + l’ensemble des nombres réels positifs ou nuls, et par R- l’ensemble des nombres réels négatifs ou nuls.

Soit n un entier naturel non nul. On note Mn(K) la K-algèbre des matrices (n,n) à coefficients dans K et In la matrice identité dans Mn(K). On note GLn(K) l’ensemble des matrices inversibles dans Mn (K ).

Sur Mn (K ), on note Tr l’application trace.

Soit M une matrice dans Mn(K). On note Sp(M) le spectre de M, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs propres complexes de M.

Soit M dans Mn (K) ; on note t M sa matrice transposée. Lorsque K = C, on note M* sa matrice adjointe, i.e. M* = t M.

On rappelle qu’une matrice M symétrique dans Mn(R) ou hermitienne dans Mn(C) est dite positive (respectivement définie positive) lorsque toutes ses valeurs propres sont positives ou nulles (respectivement strictement positives).

On note Un (K ) l’ensemble des matrices M dans Mn(K) telles que M*M = In. Ainsi Un(R) désigne le groupe orthogonal et Un(C) le groupe unitaire.

On rappelle que Un(R) contient les matrices P (dites de rotation plane) définies, pour (i0,j0) tel que 1 i0 < j0 n et θ ∈ R, de la façon suivante :

                  (  cosθ   sii = j = i oui = j = j ;
                  ||||  sin θ   sii = ietj0 = j ;     0
P=(p )1≤i≤n avec  p  = {  - sinθ  sii = 0jetj = i0;
i,j 1≤j≤n       i,j  ||  1      sii = 0jeti ⁄∈ {i0,j };
                  ||(  0      sinon.      0  0

Dans tout le problème, on considère les sous-ensembles de C suivants :

O+ est le demi-plan ouvert des nombres complexes de partie réelle > 0  ;
O- le demi-plan ouvert des nombres complexes de partie réelle < 0  ;
D le disque unité ouvert de C, c’est-à-dire l’ensemble des nombres complexes de module < 1.

Pour tout nombre complexe z, on note Re(z) sa partie réelle.

Préliminaires

1. Soit z un nombre complexe qui n’est pas un nombre réel négatif ou nul (z ∈ C \ R-). Démontrer qu’il existe un unique nombre complexe dans O+ noté √-
 z, tel que (√ -
  z)2 = z.

2. Soit g la fonction de la variable complexe z définie sur C \{-1} par :

      z - 1
g(z) = z +-1.

a) Démontrer que g(O+) D.

b) Démontrer que g réalise une bijection de O+ sur D. Expliciter la bijection inverse.

3. On définit sur Mn(R) l’application N en posant, pour M dans Mn(R),

N (M  ) = Tr(tM M ).

a) Soit M dans Mn(R) telle que M = (mi,j). Justifier que tMM est une matrice symétrique positive, qui est définie positive si M est inversible.

b) Justifier que N est le carré d’une norme euclidienne sur Mn(R). Expliciter le produit scalaire euclidien < , > défini par :

∀M  ∈ Mn (R), < M, M >= N (M ).

4. Expliciter un produit hermitien sur Mn(C) tel que la norme associée, notée Nʹ, vérifie :

∀M  ∈ Mn (C),N ʹ(M ) = Tr(M *M ).

Partie I

5. Soit L une matrice dans Mn(K) telle que L2 = In.

a) Démontrer qu’il existe des sous-espaces vectoriels F et G de Kn tels que :

  • Kn= F G ;
  • x ∈ F, Lx = x ;
  • x ∈ G, Lx = -x.

b) Démontrer que Tr(L) = dimF - dimG.

6. Soit In l’ensemble des matrices L dans Mn(K) telle que L2 = In. On définit sur In la relation ~ par :

∀L,M ∈ In,  L ~ M   si∃P ∈ GLn (K )telqueM = P -1LP.

a) Démontrer que ~ est une relation d’équivalence sur In.

b) Soient L et M deux matrices dans In. Démontrer que :

L ~ M  ⇔ Tr(L) = Tr(M ).

c) Justifier que la relation ~ n’a qu’un nombre fini de classes d’équivalence. Déterminer ce nombre.

Partie II

Soit n un entier naturel non nul. Soit A une matrice dans Mn(C) telle que le spectre de A, Sp(A), est contenu dans D. On se propose de démontrer qu’alors la suite (Al)l∈N converge dans Mn(C) vers la matrice nulle.

7. On suppose que A admet une unique valeur propre α. On pose B = A - αIn.

a) Justifier que Bn = 0.

b) Soit l un entier naturel non nul. Exprimer Al en fonction de I,B,...,Bn-1.

c) En déduire que la suite (Al)l∈N converge dans Mn(C) vers la matrice nulle.

8. Dans le cas général, démontrer que la suite (Al)l∈N converge dans Mn(C) vers la matrice nulle.

Partie III

Soit f la fonction définie sur C* par f(z) = 12(    )
 z + 1z.

Pour α dans C * , on considère la suite récurrente uα = (ul)l∈N définie par :

{
  u0    =  α ;(      )
  uℓ+1  =  12  uℓ + u1ℓ  pourℓ ∈ N.

Lorsque la suite uα est bien définie (c’est-à-dire si ul est défini pour tout entier naturel l) et que de plus elle converge dans C, sa limite est notée sα.

9. Donner une valeur non nulle de α telle que la suite uα n’est pas bien définie.

10. Soit α un nombre réel non nul. Démontrer que la suite uα = (ul)l∈N est bien définie. tudier la monotonie de la suite uα et démontrer qu’elle converge. Expliciter la valeur de sα en fonction de α.

11. a) Justifier que les demi-plans O+ et O- sont stables par f. En déduire que si α n’est pas un imaginaire pur, la suite uα = (ul)l∈N est bien définie.

b) Soit β un nombre complexe de module différent de 1. Pour tout entier naturel l, on pose :

     1 + β2ℓ
w ℓ = 1---β2ℓ.
Justifier que wl+1 = f(wl). Démontrer que la suite (wl)l∈N converge et déterminer sa limite.

c) On suppose que α n’est pas un imaginaire pur. Justifier que la suite uα = (ul)l∈N converge. Expliciter la valeur de sα en fonction de α.

Partie IV

Soit n un entier naturel tel que n 2.

Soit A une matrice inversible dans Mn(C). On note Sp(A) le spectre de A, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs propres de A. On s’intéresse dans le problème à l’éventuelle limite de la suite UA = (Ul )l∈N définie par :

{
   U0    =  A1 ;     -1
   Uℓ+1  =  2(Uℓ + U ℓ ) pourℓ ∈ N.
lorsque celle-ci est bien définie (c’est-à-dire si Ul est défini pour tout entier naturel l). Lorsque la suite UA admet une limite, celle-ci est notée LA.

12. On suppose, dans cette question seulement, la matrice A diagonalisable. On suppose de plus que son spectre Sp(A) satisfait la propriété :

(P) : Sp(A)∩ iR = ∅.

a) Démontrer que la suite récurrente UA = (Ul)l∈N est bien définie.

b) Démontrer que la suite récurrente UA converge. Justifier que LA est une matrice diagonalisable telle que (A)
L2 = In.

c) Démontrer que la suite (  (              ))
 12  Tr(Ul)+ Tr(U -l1)l∈N converge vers un nombre entier qu’on explicitera en fonction des valeurs propres de A.

13. On suppose ici que la matrice A vérifie la propriété :

               +
(P+) : Sp (A ) ⊂ O .

a) Justifier que la matrice 12(       )
 A+ A -1 vérifie la propriété (P+). En déduire que la suite UA = (Ul )l∈N est bien définie et que chacune des matrices Ul vérifie la propriété (P+).

b) Soit α une valeur propre de la matrice (A-In)(A + In)-1. Démontrer qu’il existe β une valeur propre de A telle que g(β) = α (où g est la fonction définie dans les préliminaires).

c) Démontrer que, pour tout entier naturel l,

                   -1   (               -1)2
(Uℓ+1 - In)(Uℓ+1 +In)   =  (U ℓ - In )(Uℓ + In)  .
En déduire l’expression de (Ul+1 -In)(Ul+1 + In)-1 en fonction de la matrice (A-In)(A + In)-1.

d) Justifier que la suite (               -1)
 (Ul - In)(Ul +In)l∈N converge dans Mn(C) vers la matrice nulle.

e) En déduire la convergence de la suite UA = (Ul)l∈N. Expliciter LA.

14. Lorsque la matrice A vérifie la propriété :

(P-) : Sp(A) ⊂ O -
justifier la convergence de la suite UA = (Ul)l∈N et expliciter LA.

15. On suppose ici que la matrice A vérifie la propriété :

(P) : Sp(A)∩ iR = ∅.

a) On suppose de plus dans cette question que la matrice A ne vérifie ni la propriété (P+) ni la propriété (P-) . Démontrer qu’il existe une matrice inversible P et deux matrices carrées C et D telles que :

        (       )
      -1  C   0               +           -
A = P      0  D   P etSp(C) ⊂ O  etSp(D ) ⊂ O .

b) En déduire la convergence de la suite UA = (Ul)l∈N. Expliciter les valeurs propres de LA .

Partie V

Soit A une matrice dans Mn(C). On suppose dans cette partie que la matrice A vérifie la propriété :

(Q) : Sp(A)∩ R- = ∅.

On définit la matrice B dans M2n(C) en posant :

    (  0  A )
B =   In  0   .

16. Déterminer les valeurs propres de la matrice B en fonction des valeurs propres de A. On précisera leurs multiplicités en fonction des multiplicités des valeurs propres de A.

17. Justifier que la matrice B vérifie la propriété (P) (définie dans la partie IV) et en déduire que la suite UB converge.

18. Démontrer que les termes de la suite UB vérifient :

                  (         )
∀ℓ∈N,∃Yℓ ∈ Mn (C)⁄Uℓ =   0  AYℓ   etYℓestunpolyn^om eenA.
                    Yℓ   0

19. En déduire qu’il existe une matrice L dans Mn(C) telle que :

     (         )
LB =    0  AL   etAL = LA.
        L   0
Démontrer de plus que L est un polynôme en A.

20. Démontrer qu’il existe une unique matrice notée √ --
  A qui vérifie la propriété (P+) et telle que :

(   )
 √A--2 = A.

21. Lorsque A est une matrice réelle symétrique (respectivement une matrice complexe hermitienne) définie positive, justifier l’existence de √A- et démontrer que √A-- est une matrice réelle symétrique (respectivement une matrice complexe hermitienne) définie positive.

Partie VI

Dans cette partie, K = R.

22. Justifier que Un(R) est un compact de Mn(R).

23. Soit M dans Mn(R). Démontrer qu’il existe une matrice P0 dans Un(R) telle que :

∀P ∈ Un(R),N (M  - P0) ≤ N (M - P )
N est l’application définie dans les préliminaires.

24. Soit M dans Mn(R). Soit P0 une matrice dans Un(R). Démontrer l’équivalence des assertions :

  • P ∈ Un (R),N(M - P0) N(M - P);
  • P ∈ Un (R),Tr(tPM) Tr(tP0M);
  • P ∈ Un (R),N(M + P) N(M + P0).

25. Soit M dans Mn(R) symétrique définie positive. Justifier que la seule matrice P0 dans Un(R) réalisant : P ∈ Un(R),N(M -P0) N(M -P), est P0 = In. On pourra exprimer, pour P dans Un (R ), Tr (t PM) sur une base bien choisie.

26. Réciproquement, soit M dans Mn(R) telle que : P ∈ Un(R),N(M -In) N(M -P).

a) On suppose M non symétrique. Justifier qu’il existe une matrice de rotation plane (dont la définition est rappelée dans le préambule) P telle que Tr(PM) > Tr(M). En déduire que M est symétrique.

b) Soit v un vecteur de Rn de norme 1. On note Pv la matrice In - 2vtv.

  • Démontrer que Pv ∈ Un(R).
  • Démontrer que Tr(PvM) = Tr(M) - 2 < v,Mv > < , > désigne ici le produit scalaire canonique de Rn.

c) Démontrer que M est symétrique positive.

d) Soit M dans Mn(R) telle que la seule matrice P0 dans Un(R) réalisant : P ∈ Un(R), N(M - In ) N(M - P), est P0 = In. Démontrer que M est symétrique définie positive.

27. Soit M inversible dans Mn(R).

a) Justifier qu’il existe une matrice Q0 dans Un(R) telle que : M = Q0  -----
√ tM M (cf. question 21).

b) Démontrer qu’une telle matrice Q0 est l’unique matrice P0 dans Un(R) qui vérifie : P ∈ Un (R ), N(M - P0) N(M - P).

28. Pourrait-on avoir l’unicité d’un tel P0 lorsque la matrice M n’est pas inversible ?

Partie VII

29. Soient A0 et V 0 deux matrices dans Mn(C) telles que A0 est une matrice antihermitienne et V 0 une matrice unitaire. Soit γ l’application définie par :

γ  : R   →  M   (C )
      t  ↦→  V entA0.
             0
Démontrer que γ est une application de classe C de R à valeurs dans Un(C). Expliciter γ(0), γʹ(0) et γʹʹ (0).

30. Soit M inversible dans Mn(C) . Soit η l’application définie par :

η  : Un (C ) →   R       *
       V    ↦→   Re(Tr(M  V)).
Soit V 0 un maximum local de l’application η.

a) Soit A0 une matrice antihermitienne dans Mn(C). Justifier que :

  • Re(Tr(M*V0A0)) = 0  ;
  • Re(Tr(M*V0A2))
   00.

b) En déduire que M*V 0 est une matrice hermitienne définie positive.

31. Soit M inversible dans Mn(C) . Justifier qu’il existe une unique matrice V 0 dans Un(C) telle que M = V 0 √--
M*M.

FIN DU SUJET


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